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BELLE-ROSE

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des prairies toutes semées de peupliers ; à l’horizon vaporeux<br />

les clochers d’Auvers et d’Hérouville, quelques chaumières çà et<br />

là sous des bouquets d’arbres, des saules trapus le long des ruisseaux,<br />

et dans les herbes un troupeau ruminant de vaches et de<br />

bœufs. Le soleil teignait ces doux paysages d’une lumière dorée<br />

qui semblait tamisée par la brume. Les merles sifflaient parmi<br />

les haies, et l’on entendait tinter la sonnette des bœufs errant<br />

dans les prés. Une sorte de luxe monastique brillait dans<br />

l’oratoire : l’abbesse n’avait pu s’empêcher de rester grande<br />

dame. Le christ d’ivoire était le plus beau modèle de Jean Goujon<br />

; les tableaux attachés aux pans de chêne noir appartenaient<br />

aux meilleurs peintres italiens, une Nativité du Corrège, une<br />

sainte Claire d’André del Sarte, une Vierge à l’enfant du Guide ;<br />

le bénitier et l’ange étaient de Germain Pilon ; les ciseaux les<br />

plus délicats avaient ciselé le prie-Dieu et les lambris. Dans cet<br />

oratoire, la religion se faisait attrayante et douce ; Dieu et l’art,<br />

qui est fait à son image, y prenaient le pécheur par la main. Geneviève<br />

ne put se défendre d’un grand trouble à la vue de Belle-<br />

Rose. On vit une larme poindre entre ses cils.<br />

– Je me croyais bien forte, lui dit-elle, et voilà que votre<br />

seule présence a remué toutes les cendres de mon cœur. C’est<br />

une épreuve sans doute que Dieu a voulu me ménager ; il m’a<br />

secourue, il me secourra.<br />

Le cœur de Belle-Rose lui sautait dans la poitrine ; il détourna<br />

les yeux et regarda par la fenêtre les champs et l’horizon<br />

pour ne pas laisser voir à Geneviève son émotion.<br />

– Et d’ailleurs, Jacques, pourquoi ne pleurais-je pas devant<br />

vous reprit-elle ; il y a des heures où les larmes sont agréables<br />

à Dieu ; il me semble que la souffrance est plus féconde que la<br />

prière, et j’ai tant souffert que je commence à croire que je suis<br />

pardonnée.<br />

– 557 –

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