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BELLE-ROSE

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lui fit un appui de son bras. Belle-Rose aimait toujours<br />

M me d’Albergotti, mais il faut avouer aussi qu’il s’appuyait volontiers<br />

sur le bras de M me de Châteaufort. Certes, pour rien au<br />

monde il n’eût voulu trahir celle à qui toute son âme s’était<br />

donnée ; mais il ne se résignait pas sans douleur à la nécessité<br />

de quitter le château où un si doux asile lui était offert. Quand il<br />

était seul, toutes ses pensées allaient à Suzanne ; mais au moindre<br />

frôlement d’une robe de satin glissant sur le sable des sentiers,<br />

tous les rêves secrets, tous les désirs confus de la jeunesse<br />

volaient vers M me de Châteaufort. Son amour pour<br />

M me d’Albergotti était pur et calme comme un lac voilé de saules<br />

; il voyait jusqu’au fond du premier regard, et son cœur y<br />

puisait une tendre mélancolie qui laissait à ses rêves leur certitude<br />

et leur limpidité ; mais à la vue de Geneviève de Châteaufort,<br />

toute son âme se troublait, un tumulte étrange se faisait<br />

dans sa pensée, il sentait monter à ses lèvres mille paroles ardentes,<br />

la regardait éperdu et fuyait, ne sachant plus si l’amour<br />

était ce culte sincère et profond qu’il vouait au nom de Suzanne,<br />

ou le délire qu’allumait la présence de Geneviève. Cependant il<br />

restait, et comme ces voyageurs assoupis sous les ombrages<br />

odorants des Antilles qui recèlent des poisons dans leurs parfums,<br />

il n’avait plus la force de secouer le sommeil enivrant où<br />

le berçait une naissante passion.<br />

Belle-Rose n’avait pas la liberté de sortir du parc, mais<br />

dans son étendue, semée de jardins et de bois, il errait au hasard<br />

; seulement il n’errait pas seul. Aux yeux des gens du château,<br />

il passait pour un gentilhomme, il en portait l’habit et<br />

l’épée, et les laquais ne l’appelaient pas autrement que<br />

M. de Verval. Ce nom ambitieux lui venait de<br />

M me de Châteaufort, qui le lui avait donné en riant.<br />

Un jour qu’ils se promenaient ensemble, peu de temps<br />

après son entrée en convalescence, M me de Châteaufort<br />

s’amusait à le plaisanter sur ce nom de Belle-Rose, qui, ne lui<br />

venant pas du calendrier, le laisserait sans patron au paradis.<br />

– 146 –

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