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BELLE-ROSE

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– Quant aux frais d’entretien, nous les réglerons comme<br />

vous l’entendrez, madame, jusqu’au jour où ma sœur prendra le<br />

voile, si elle persiste dans son intention.<br />

Claudine ne se sentait pas de joie en pénétrant dans<br />

l’intérieur du couvent : elle regardait partout pour voir si elle<br />

n’apercevrait pas Suzanne ; mais, ce jour-là, elle dut se résoudre<br />

au seul plaisir de dormir sous le même toit. Suzanne ne parut<br />

pas au réfectoire. Mais le lendemain, à la prière du matin, où<br />

Claudine ne manqua pas d’assister, elle reconnut Suzanne parmi<br />

les novices. M me d’Albergotti était plus pâle que les cierges<br />

qui brûlaient au fond du sanctuaire ; ses grands yeux étaient<br />

noyés de tristesse ; le sourire était mort sur ses lèvres. Elle<br />

s’agenouilla avec ses compagnes sur le marbre et pencha son<br />

front sur ses mains jointes. Claudine pleurait sur son livre de<br />

prières. Il lui venait des envies folles de se lever et de courir à<br />

Suzanne pour l’embrasser. Mais c’eût été tout perdre, et elle<br />

demeurait à sa place en frappant le sol de ses petits pieds.<br />

L’aspect de cette sombre chapelle où l’orgue mugissait, la vue de<br />

ces costumes sévères qui semblaient emprisonner le corps sous<br />

un suaire, l’expression de ces visages où l’on voyait se refléter la<br />

blancheur des sépulcres, tout cet appareil sinistre de la religion<br />

dans ce que le catholicisme a de plus sévère, glaçait l’âme de la<br />

pauvre fille et répugnait à cette nature bonne, expansive et vivace.<br />

Ses yeux, un instant fatigués de l’austérité de ce spectacle,<br />

se tournèrent vers les grands vitraux de la chapelle pour y chercher<br />

un peu de lumière, quelque rayon d’or venu du ciel ; puis<br />

ils s’abaissèrent de nouveau et s’arrêtèrent sur Suzanne, qu’ils<br />

ne quittèrent plus. Cependant l’office finissait, les derniers<br />

chants se mouraient sous les arceaux sonores ; Claudine abandonna<br />

sa chaise et vint, agenouillée et son livre à la main, se<br />

ranger sur le passage des religieuses qui suivaient les novices.<br />

Suzanne venait l’une des dernières ; comme elle passait devant<br />

Claudine, le front baissé et les mains croisées sur le cœur, Claudine<br />

effleura doucement du bout de ses doigts la longue robe de<br />

M me d’Albergotti ; Suzanne tourna les yeux de son côté et ren-<br />

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