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BELLE-ROSE

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l’un de ces anges sveltes que les statuaires sculptent autour des<br />

bénitiers. Gabrielle avait le sourire et le cœur d’un enfant ; mais<br />

une accablante tristesse dévorait sa vie et tarissait les sources de<br />

sa pure jeunesse. Quand elle arrêtait ses yeux limpides sur Suzanne,<br />

leur regard tendre et mélancolique allait jusqu’au cœur<br />

de son amie ; mais quand Suzanne lui demandait la cause de ce<br />

morne abattement où elle était toujours plongée, la pauvre fille<br />

détournait la tête et l’on voyait de grosses larmes glisser sur<br />

l’albâtre de ses joues. D’étranges frissons la prenaient parfois<br />

des pieds à la tête ; elle rougissait, pressait ses tempes de ses<br />

deux mains, passait ses doigts blancs dans ses longs cheveux et<br />

se prenait à courir comme une folle dans les jardins. Un quart<br />

d’heure après, on la trouvait couchée dans l’herbe, le visage sur<br />

ses genoux, abîmée dans d’inexplicables rêveries. Elle était<br />

d’une douceur angélique et souffrait sans se plaindre tout ce<br />

qu’il lui fallait endurer de la supérieure, qui l’avait en aversion.<br />

Gabrielle alla vers Suzanne, parce que Suzanne souffrait ; Suzanne<br />

alla vers Gabrielle, parce que Gabrielle était faible et opprimée.<br />

Une nuit que Suzanne dormait dans sa chambre, elle fut<br />

tirée de son sommeil par de légers soupirs qui partaient du pied<br />

de son lit. Il lui semblait que le bois craquait sous la pression<br />

d’un corps étranger. Elle ouvrit à demi les yeux et vit, à la mourante<br />

lueur d’une veilleuse, une forme blanche qui était assise à<br />

ses pieds, immobile et raide comme une statue. Bien qu’elle fût<br />

naturellement courageuse, Suzanne frissonna et sentit une<br />

sueur glacée mouiller ses tempes ; elle se dressa pour mieux voir<br />

le fantôme qui étendait vers elle ses deux mains. Elles étaient si<br />

transparentes qu’elles semblaient fluides ; l’une d’elles se posa<br />

sur le bras de Suzanne, qui tressaillit jusqu’au cœur à son<br />

contact humide et froid. Mais comme Suzanne s’était penchée<br />

en avant, elle reconnut Gabrielle qui la regardait de tous ses<br />

yeux démesurément ouverts. La pauvre enfant avait la tête nue ;<br />

ses longs cheveux, qu’elle avait fort beaux, descendaient sur sa<br />

poitrine et encadraient son visage, qui avait l’aspect du marbre ;<br />

elle était à demi vêtue d’un peignoir qui flottait autour de sa<br />

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