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BELLE-ROSE

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– Je crois ce qui est, continua Gabrielle en se rapprochant<br />

de Suzanne… On nous a tués, on me tuera, on m’a déjà tuée<br />

peut-être… On ne vous l’a donc jamais dit <br />

Et tout bas, collant sa bouche à l’oreille de Suzanne, elle<br />

ajouta : – Le poison est en France, le poison est partout ; il est<br />

au cœur des familles, il est dans l’eau qui désaltère, dans le fruit<br />

qui rafraîchit, dans la fleur qu’on caresse, dans le parfum qu’on<br />

respire ; le poison est comme l’air, il passe avec le vent ; il est<br />

dans la ville et dans la campagne… C’est l’ennemi invisible, insaisissable,<br />

infaillible ; il dévore la France ; il est au cœur du<br />

royaume ; il est le maître, le spoliateur, le roi !<br />

Suzanne demeura glacée à ces paroles ; sans qu’elle pût en<br />

comprendre la cause, elle sentit frémir tout son être et son cœur<br />

se serrer. Une terreur invincible s’empara d’elle, et durant quelques<br />

minutes elle garda Gabrielle pressée entre ses bras, muette<br />

et osant à peine regarder autour d’elle.<br />

– Sauvez-vous donc ! sauvez-vous ! s’écria-t-elle quand elle<br />

put parler. Il faut que votre père vienne vous réclamer ici, il le<br />

faut.<br />

– Quitter ce couvent ! mais ce serait un suicide… C’est ma<br />

fortune qu’ils veulent… ne suis-je pas la dernière héritière <br />

Qu’ils la gardent cette fortune, moi je prendrai le voile ! J’ai<br />

peur de mourir à dix-sept ans… Mon Dieu ! je voudrais vivre.<br />

Les larmes jaillirent encore des yeux de Gabrielle ; sa poitrine<br />

était haletante, ses yeux ardents, son souffle enflammé ; la<br />

terreur, la fièvre, le désespoir, la torturaient. Enfin, brisée par<br />

tant d’émotions, elle finit par fermer ses paupières rougies et<br />

s’endormit auprès de Suzanne. Suzanne la regardait et suivait<br />

effarée les ravages profonds que l’inquiétude et la souffrance<br />

avaient imprimés sur la tête charmante de sa compagne. Elle la<br />

baisa au front et la veilla pieusement, le cœur tout plein de tris-<br />

– 430 –

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