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BELLE-ROSE

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aurez lu cette lettre jusqu’au bout, vous pleurerez sur moi, sur<br />

vous, mais vous m’absoudrez. Ma volonté s’est soumise au mal,<br />

elle ne l’a pas fait. Vous savez quelle fut la réponse de mon père<br />

à votre proposition : depuis ce jour, il ne m’a jamais entretenue<br />

de votre amour et de vos espérances ; seulement, quand on lui<br />

parlait des progrès que vous faisiez dans l’estime de vos chefs, il<br />

disait que cela ne l’étonnait point et que vous étiez un garçon à<br />

parvenir à tout. Dans ces moments-là, je me sentais des envies<br />

extraordinaires de l’embrasser. Il y a quelque temps,<br />

M. de Malzonvilliers, en revenant d’un voyage qu’il avait entrepris<br />

à Calais, me présenta un jeune gentilhomme de bonne<br />

mine. Un instinct secret, l’instinct du cœur sans doute, me dit<br />

que ce jeune seigneur ne venait point à Malzonvilliers pour affaires<br />

de commerce, et je sentis mon cœur se serrer. Ce jeune<br />

seigneur avait l’esprit très vif, tourné à la galanterie, railleur,<br />

plaisant dans ses propos et tout à fait l’air d’un homme de bon<br />

lieu ; mais on voyait qu’il parlait avant de réfléchir, et qu’il était<br />

surtout occupé de plaisirs et de choses futiles. Il resta huit ou<br />

dix jours au château, pendant lesquels il ne me fut guère possible<br />

de me promener avec Claudine, si ce n’est parfois le matin,<br />

de très bonne heure, ou le soir, tandis que l’étranger rendait<br />

visite à la noblesse de Saint-Omer. Au bout de ce temps, le gentilhomme<br />

partit ; je respirais à peine que déjà un grave seigneur<br />

le remplaçait au château. Celui-ci était pour le moins aussi sédentaire<br />

que l’autre était ingambe ; il avait l’humeur douce,<br />

égale et bonne, l’air d’une bienveillance extrême, et, quoique<br />

souffrant d’anciennes blessures, le maintien noble et aisé. Ses<br />

discours étaient enjoués, mais toujours honnêtes, ses manières<br />

polies, et l’on se sentait attiré par l’expression de sa physionomie<br />

en même temps que saisi de respect à la vue de ses moustaches<br />

grises et des cicatrices qui sillonnaient son front chauve. Ce<br />

seigneur se nommait M. d’Albergotti. Il était marquis, appartenait<br />

à une famille d’origine italienne qui avait tenu un rang<br />

considérable dans le Milanais, et portait le cordon de Saint-<br />

Louis. M. d’Albergotti avait beaucoup voyagé ; sa conversation<br />

était intéressante, sa bonté me touchait, et j’éprouvai quelque<br />

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