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Je pris la route côtière du sud, cent quarante kilomètres<br />

jusqu’à Ensenada, en me demandant où Lee avait trouvé tout<br />

l’argent qu’il claquait. Le trajet était agréable Ŕ falaises bordées<br />

de buissons qui ouvraient sur l’océan à ma droite, et, sur la<br />

gauche, vallées et collines couvertes de verdure. La circulation<br />

était plus que fluide, sauf une file ininterrompue de piétons qui<br />

remontaient vers le nord : des familles entières, valises à la<br />

main, l’air effrayé et heureux à la fois, comme s’ils ignoraient<br />

tout de ce qui les attendait de l’autre côté de la frontière,<br />

convaincus néanmoins que ce serait toujours mieux que de<br />

bouffer de la poussière mexicaine et les aumônes des touristes.<br />

J’arrivai aux abords d’Ensenada au crépuscule et la file se<br />

transforma en convoi d’immigrants. Une file unique occupait le<br />

bord de la route en direction du nord, leurs effets enveloppés<br />

dans des couvertures qu’ils transportaient sur l’épaule. Toutes<br />

les cinq ou six personnes, se trouvait un porteur de torche ou de<br />

lanterne, et tous les enfants en bas âge étaient sanglés à même<br />

le dos de leurs mères comme des papooses, à la manière<br />

indienne. En franchissant la dernière colline aux abords de la<br />

ville, je vis apparaître Ensenada, tache de néon dans le fond de<br />

la vallée, dont les éclats fluorescents engloutissaient les<br />

lumières des torches ponctuant l’obscurité à leur arrivée dans la<br />

cité.<br />

Je m’engageai dans la descente et je compris vite que la<br />

bourgade où je pénétrais était la version bord de mer de TJ,<br />

offrant tous ses services à une clientèle de touristes plus huppés.<br />

Les gringos étaient bien élevés, on ne trouvait pas d’enfants qui<br />

mendiaient dans les rues ni d’aboyeurs de service à l’entrée des<br />

troquets en surnombre. La file des « dos mouillés » prenait<br />

naissance à l’intérieur des terres pauvres, et ne faisait que<br />

traverser Ensenada pour rejoindre la route côtière Ŕ mais il leur<br />

fallait payer tribut aux Rurales pour avoir le droit de franchir la<br />

ville.<br />

Ils se faisaient dépouiller au vu et au su de tous, de la<br />

manière la plus éhontée que j’aie jamais vue. Des Rurales en<br />

chemises brunes, culottes et bottes de cheval allaient de paysan<br />

en paysan, prenaient l’argent et leur fixaient une étiquette à<br />

l’épaule au moyen d’agrafeuses ; des flics en civil vendaient des<br />

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