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Les Mystères du bagne ou Blondel le condamné innocent - Manioc

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— 7 —<br />

desquels se rassemb<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> peu de bras de la contrée. Mais<br />

je connais une solitude plus triste que cel<strong>le</strong> de la Brenne,<br />

c'est la Brie. Là ce ne sont pas la terre ingrate et l'air in­<br />

salubre qui ont exilé la population, c'est la grande propriété,<br />

c'est la richesse. P<strong>ou</strong>r certains habitants sédentaires de Paris<br />

qui n'ont jamais vu de campagne que la Brie <strong>ou</strong> la Beauce,<br />

la nature est un mythe, <strong>le</strong> paysan un habitant de la lune.<br />

Il y a autant de différence entre cette sorte de campagne et<br />

la Vallée-Noire qu'entre une chambre d'auberge et une man­<br />

sarde d'artiste.<br />

Voici la Bric : des villages où <strong>le</strong> pauvre exerce une petite<br />

in<strong>du</strong>strie <strong>ou</strong> la mendicité ; des châteaux à t<strong>ou</strong>rel<strong>le</strong>s reblan-<br />

chies, de grandes fermes neuves, des champs de blé <strong>ou</strong> des<br />

luzernez à perte de vue, des rideaux de peuplier, des meu<strong>le</strong>s<br />

de f<strong>ou</strong>rrages, quelques paysans qui ont posé dans <strong>le</strong> sillon<br />

<strong>le</strong>ur chapeau rond et <strong>le</strong>ur redingote de drap p<strong>ou</strong>r lab<strong>ou</strong>rer<br />

<strong>ou</strong> moissonner; et, d'ail<strong>le</strong>urs, la solitude, l'uniformité, <strong>le</strong> désert<br />

de la grande propriété, la morne so<strong>le</strong>nnité de la richesse qui<br />

bannit l'homme de ses domaines et n'y s<strong>ou</strong>ffre qui des ser­<br />

viteurs. Ainsi, rien de plus affreux que la Brie, avec ses vil­<br />

lages malpropres, peuplés de blanchisseuses, de vivandières,<br />

et de p<strong>ou</strong>rvoyeurs; ses châteaux dont <strong>le</strong>s parcs semb<strong>le</strong>nt v<strong>ou</strong>­<br />

loir accaparer <strong>le</strong> peu de futaie et <strong>le</strong> peu d'eau de la contrée;<br />

ses paysans, demi-messieurs, demi-va<strong>le</strong>ts ; ses froids horizons<br />

où v<strong>ou</strong>s ne voyez jamais fumer derrière la haie la chaumine<br />

<strong>du</strong> propriétaire rustique. il n'y a pas un p<strong>ou</strong>ce de terren per<strong>du</strong><br />

<strong>ou</strong> négligé, pas un fossé, pas un buisson, pas un caill<strong>ou</strong>, pas<br />

une ronce. L'artiste se déso<strong>le</strong>.<br />

Il semb<strong>le</strong>, en effet, quand on songe au positif, que l'ar­<br />

tiste soit un f<strong>ou</strong> et un barbare. Je vais v<strong>ou</strong>s dire p<strong>ou</strong>rquoi<br />

l'artiste a raison dans son instinct : c'est qu'il sent la gran­<br />

deur et la poésie de la liberté ; c'est que <strong>le</strong> paysan n'est un<br />

homme qu'à la condition d'être chez soi et de p<strong>ou</strong>voir tra-

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