19.05.2013 Views

Les Mystères du bagne ou Blondel le condamné innocent - Manioc

Les Mystères du bagne ou Blondel le condamné innocent - Manioc

Les Mystères du bagne ou Blondel le condamné innocent - Manioc

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

— 89 —<br />

et dont la nonchalance apparente cache <strong>le</strong>s vices <strong>le</strong>s plus<br />

hideux et <strong>le</strong>s instincts <strong>le</strong>s plus pervers.<br />

Cet indivi<strong>du</strong> était un de ces hommes que l'on désigne<br />

à juste titre <strong>du</strong> nom de « gibier de galères », qui paraissent<br />

ne jamais avoir eu la moindre notion <strong>du</strong> bien et qui peuvent,<br />

à un moment donné, unir la prudence et la s<strong>ou</strong>p<strong>le</strong>sse<br />

<strong>du</strong> serpent à la férocité <strong>du</strong> tigre.<br />

Au moment où cet homme entra dans la sal<strong>le</strong> de la taverne,<br />

cel<strong>le</strong>-ci était p<strong>le</strong>ine d'une fumée ren<strong>du</strong>e plus épaisse et plus<br />

nauséabonde par une f<strong>ou</strong><strong>le</strong> d'émanations <strong>le</strong>s plus hétérogènes.<br />

Malgré <strong>le</strong>s becs de gaz, l'œil p<strong>ou</strong>vait à peine distinguer <strong>le</strong>s<br />

figures des clients qui garnissaient <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>s.<br />

— Ho! fit à haute voix <strong>le</strong> n<strong>ou</strong>vel arrivant, on a brûlé des<br />

parfums ici ce soir!...<br />

— Tiens ! répondit immédiatement une voix rauque et enr<strong>ou</strong>ée,<br />

faudrait-il pas un peu d'eau de Cologne à Monsieur?<br />

Le jeune homme se frotta <strong>le</strong>s yeux et <strong>le</strong>s dirigea ensuite<br />

<strong>du</strong> côté d'où cette voix était venue.<br />

Il finit par distinguer dans <strong>le</strong> fond de la sal<strong>le</strong> une masse<br />

de chair qui ne ressemblait en rien à une créature humaine,<br />

<strong>ou</strong> qui plutôt en était une grotesque et monstrueuse caricature;<br />

cette masse était surmontée d'une tête petite et parsemée<br />

de b<strong>ou</strong>rgeons violacés où pétillaient deux yeux brillants<br />

et presque imperceptib<strong>le</strong>s, tant <strong>le</strong>s paupières étaient b<strong>ou</strong>rs<strong>ou</strong>fflées.<br />

Cette masse informe, qui était comme incrustée dans un<br />

immense fauteuil placé derrière un comptoir taché de vin,<br />

n'était autre que la cabaretière de cet Eldorado, la « mère<br />

Gorgogne », comme la plupart de ses clients l'appelaient,<br />

tandis que <strong>le</strong>s beaux esprits l'avaient baptisée <strong>du</strong> nom plus<br />

poétique de « Sylphide »; n<strong>ou</strong>s devons, p<strong>ou</strong>r rendre hommage<br />

à la vérité, déclarer que cette femme énorme s'appelait<br />

de son vrai nom Babet Maréchal.<br />

Depuis une trentaine d'années, c'est-à-dire depuis l'époque

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!