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Les Mystères du bagne ou Blondel le condamné innocent - Manioc

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— 8 —<br />

vail<strong>le</strong>r s<strong>ou</strong>vent sa propre terre. Or <strong>le</strong> paysan, dans l'état de<br />

notre société, a encore la négligence <strong>ou</strong> la parcimonie de<br />

sa race. Lors même qu'il arrive à l'aisance, il dédaigne en­<br />

core <strong>le</strong>s superfluités de la symétrie, et peut-être que, poète<br />

lui-même, il tr<strong>ou</strong>ve un certain charme au désordre de son<br />

hangar et à l'exubérance de son berceau de vignes. Quoi<br />

qu'il en soit, cet air d'abandon, cette s<strong>ou</strong>riante bonhomie de<br />

la nature respectée aut<strong>ou</strong>r de lui, sont comme <strong>le</strong> drapeau de<br />

liberté planté sur son petite domaine.<br />

Moi aussi, artiste, qu'on me <strong>le</strong> pardonne, je rêve p<strong>ou</strong>r <strong>le</strong>s<br />

enfants de la terre un sort moins précaire et moins pénib<strong>le</strong><br />

que celui de petit propriétaire, sans autre liberté que cel<strong>le</strong><br />

de harder jal<strong>ou</strong>sement la glèbe qu'il a conquise, et sans autre<br />

idéal que celui de voir p<strong>ou</strong>sser la haie dont il l'a enfermée.<br />

Derrière ses grandes b<strong>ou</strong>chures d'épine et d'églantier, on<br />

dirait que <strong>le</strong> paysan de la Vallée-Noire cache <strong>le</strong> maigre trésor<br />

qu'il a pu acheter en 93, et qu'il a peur d'éveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s désirs<br />

de son ancien seigneur, t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs prêt, dans l'imagination <strong>du</strong><br />

paysan, à réclamer et à ressaisir <strong>le</strong>s biens nationaux. Mais<br />

tel qu'il est là, c<strong>ou</strong>vant son arpent de blé, je <strong>le</strong> crois plus<br />

fier et plus heureux que <strong>le</strong> va<strong>le</strong>t de ferme qui veillira comme<br />

son cheval s<strong>ou</strong>s <strong>le</strong> harnais, et qui passera, par grande for­<br />

tune, à l'état de piqueur, de va<strong>le</strong>t de pied, <strong>ou</strong> t<strong>ou</strong>t au plus,<br />

s'il amasse beauc<strong>ou</strong>p, à la profession de cabaretier dans un<br />

t<strong>ou</strong>rne-bride. La domesticité <strong>du</strong> fermier n'est pas franche­<br />

ment rustique, et la grande ferme plus saine, plus aérée, j'en<br />

conviens, que la chaumière m<strong>ou</strong>ssue, a t<strong>ou</strong>te la tristesse, t<strong>ou</strong>te<br />

la laideur <strong>du</strong> phalanstère, sans en avoir la dignité et la li­<br />

berté rêvées.<br />

Il est bien vrai qu'en chassant l'homme de la terre, en <strong>le</strong><br />

parquant dans <strong>le</strong>s fermes <strong>ou</strong> dans <strong>le</strong>s villages, <strong>le</strong> riche éloigne<br />

des ses blés <strong>le</strong>s tr<strong>ou</strong>peaux errants, et de son jardin <strong>le</strong>s p<strong>ou</strong><strong>le</strong>s<br />

maraudeuses. Aussi loin que sa vue peut s'étendre, et bien

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