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d’intérêt (la res publica) paraît se substituer progressivement à une conception
strictement familiale et personnelle du pouvoir territorial 317 . L’émergence des notions
de majesté royale et de Couronne permettent également de penser le pouvoir en terme
de souveraineté et non plus seulement en terme de suzeraineté. La disparité des formes
de pouvoir et leurs fondements « idéologiques » ne doit cependant pas masquer
l’intense effort de territorialisation que les Plantagenêt ont mené sur l’ensemble de leur
empire. Tous les espaces, l’Angleterre y compris, ont en effet subi le renforcement de la
potestas regis par l’extension de ses appuis territoriaux. Les transformations qui
résultent de cette territorialisation doivent être mesurées à plus long terme qu’à l’aune
de l’échec politique de Jean Sans Terre. L’étendue des territoires de l’empire, qui
impliquait des absences prolongées du roi et de sa cour, n’a-t-elle pas en effet stimulé la
construction d’un pouvoir dépersonnalisé, à l’origine de la notion de souveraineté ?
La formation de cet espace multi-territorial apparaît donc principalement comme
l’affirmation d’un pouvoir territorial global, jouant sur l’affaiblissement des anciennes
appartenances féodales. La thèse de Maïté Billoré montre en effet comment le pouvoir
« autocratique » des Plantagenêt s’est progressivement affirmé aux dépens de
l’aristocratie normande en particulier 318 . Décrire le processus de définition d’une
territorialité à plusieurs échelles, fondée sur un mouvement apparemment paradoxal de
territorialisation du pouvoir royal et de « déterritorialisation » relative des pouvoirs
princiers peut apparaître symptomatique de ce que les géographes appellent la
« glocalisation » pour décrire les processus de la mondialisation et que Joseph Morsel
propose également d’utiliser pour décrire la dynamique de la formation de l’Occident 319 .
Ainsi le changement d’échelle du pouvoir peut être mis en relation avec le renforcement
des appartenances locales, qui se traduit à travers le phénomène de spatialisation du
social, de l’ancrage des lignées dans un territoire, ainsi qu’au travers du vaste
mouvement de spatialisation du sacré, opéré par l’Église qui parvient « à s’imposer dans
le paysage social sous la forme non seulement de l’église, mais également d’aires
consacrées, articulées à l’église (cimetières, sauvetés, domaines ecclésiastiques) et
317 MADELINE, F., « Les travaux « publics » des Plantagenêt et le contrôle de l’espace », dans France
Îles Britanniques, un couple impossible? actes du colloque de Caen septembre 2007, à paraître voir aussi
chapitre 3.
318 BILLORÉ, M., « Pouvoir et noblesse en Normandie (fin XIIe - début XIIIe siècles). De l'autocratie
Plantagenêt à la domination capétienne », Thèse de doctorat, sous la dir. de Martin Aurell, 2005, non
publiée.
319 MORSEL, J. et DUCOURTIEUX, C., L'histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat. Réflexions
sur les finalités de l’Histoire du Moyen Âge destinées à une société dans laquelle même les étudiants
d’histoire s’interrogent, 2007, p. 92-93, cite WICKHAM, C., « Making Europe », New Left Review, 208
(1994), p. 133-134.
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