Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Index of - Free

Pentecôte pour la cérémonie et tous les ans, Henri II assurait également l’essor de ce
culte dynastique, qui concourrait à sa propre gloire 32 . La sacralité des ducs fondateurs
est renforcée par la suite grâce à la découverte des reliques du saint Sang, lors des
travaux entrepris par l’abbé Henri de Sully, en 1171. La tradition selon laquelle le duc
Richard I er était l’inventeur de la relique lors de la dédicace de 990, et qui était travaillée
par les moines de l’abbaye depuis le début du XI e siècle, est alors pleinement
exploitée 33 .
Henri II ne réhabilite cependant pas Fécamp dans sa fonction résidentielle
prééminente, mais n’en contribue pas moins à inscrire dans ce lieu sacré une mémoire
dynastique dont il venait revendiquer la filiation. La translation des reliques devait ainsi
symboliser la volonté du roi de s’affirmer comme le descendant des illustres fondateurs
du duché. L’élévation des ducs est entourée d’une odeur de sainteté que visait
vraisemblablement à lui donner la translation simultanée des reliques de saints
fécampois Flavien, Contest et Saëns et des saintes Afres, Perpétue et Geneviève dans
des châsses d’or et d’argent 34 . En favorisant la vénération pour ses illustres ancêtres,
Henri II ne construisait pas seulement une continuité dynastique à même de renforcer
son autorité, en l’ancrant dans le lieu symbolique de la mémoire ducale normande, il
participait également à construire une identité normande, constitutive de la territorialité
de son pouvoir.
La construction des identités normandes et anglaises est en effet au cœur du
processus d’assimilation de l’aristocratie normande en Angleterre dans le siècle qui suit
la conquête 35 . Selon Hugh M. Thomas, dans la seconde moitié du XII e siècle,
32 Recueil des actes d’Henri II , I, p 359 : Concedo quid omnes illi qui venerint apud Fiscannum ad
levandum comitem Ricardum habeant meam firmam pacem in eundo, morando, redeundo, nisi nominatim
calumpniati fuissent de proditione vel felonia ; (je concède à tous ceux qui viendront à Fécamp à la levée
des ducs Richard qu’ils auront des saufs conduits pour s’y rendre, y résider et en repartir, et quiconque les
empêchera sera poursuivi pour trahison ou félonie)
33 RENOUX, A., Fécamp, du palais ducal au palais de Dieu : bilan historique et archéologique des
recherches menées sur le site du château des ducs de Normandie IIe siècle A.C.-XVIIIe siècle P.C., 1991,
p. 496-98 : elle existe dans le Libellus ainsi que dans le manuscrit 528 (bibl. mun. Rouen) rédigé entre
1015 et 1090 qui fait du duc Richard I er , l’inventeur de la relique lors de la dédicace de 990.
34 MUSSET, L., « Les sépultures des souverains normands: un aspect de l’idéologie du pouvoir », dans
Autour du pouvoir ducal normand Xe-XIIe siècles, 1985, p. 19-44 cite DU MONSTIER, A., Neustria pia,
1663, p. 254 : Circa anno 1161, que ceu, anno 1162 … Huic translationi Henricus Rex Anglorum
interfuit, et Episcopi Normanniae, et dedit illi Ecclesiae sylvam de hogis. (Vers 1161, Henri roi
d’Angleterre fut l’intercesseur de cette translation avec les évêques de Normandie, et il donna à l’église la
forêt de la Hogue).
35 THOMAS, H. M., The English and the Normans. Ethnic Hostility, Assimilation and Identity, 1066-c.
12, 2003 ; GILLINGHAM, J., The English in the Twelfth Century. Imperialism, National Identity and
Political Value, 1999 ; SHORT, I., « Tam Angli quam Franci: self definition in Anglo-Normand
England », A.N.S., 1996, p. 153-175.
426