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débat autour de l’inflation transforme le regard des historiens, si bien que Lewis Warren
décrit le gouvernement de Jean comme « entreprenant et intelligent » 18 .
Le cœur de ce débat est étroitement mêlé à la question du financement de la
guerre en Normandie et de la perte des territoires continentaux de l’empire. De même
qu’en Angleterre, Henri II consacre les premières années de son règne à réformer
l’administration ducale afin d’accroire les revenus « publics ». Il cherche notamment à
révoquer les concessions accordées pendant la guerre civile et fait mener des enquêtes
composées de jurys pour établir la liste des droits et des domaines ducaux dans le
Bessin 19 . Mais selon Giraud de Barri, le domaine ducal ne fournit pas plus de 12 000
marcs par an sous le règne d’Henri II 20 . Ce dernier se tourne donc vers d’autres sources
de revenus ordinaires, comme ceux de la justice, et extraordinaires, comme les tailles,
qui parviennent à remplir les caisses de son trésor. Vincent Moss remarque en effet
qu’entre 1180 et 1198, les revenus de la Normandie se sont accrus de près de 360%,
passant de £ a 27 000 à £ a 99 000 (soit l’équivalent de £6750 et £24750
respectivement) ! 21 À ces mêmes dates, les revenus de l’Échiquier anglais s’élevaient à
£14877 et £26405, soit des sommes à peu près équivalentes 22 . La capacité de
prélèvement de l’Échiquier normand explique sans doute la volonté de Richard de
réformer l’Échiquier anglais en 1196. Il confie la tâche à Robert II, abbé de Saint-
Étienne de Caen, mais celui-ci meurt quelques mois plus tard laissant l’entreprise sans
lendemain 23 .
18 HARVEY, P. D. A., « The English inflation 1180-1220 », Past & Present, 61 (1973), p. 3-30 ;
POWICKE, M., The Loss of Normandy : 1189-1204 : Studies in the History of the Angevin Empire, 1963,
p. 350; WARREN, W. L., King John, 1997, p. 148-52.
19 DELISLE, L., « Des revenus publics en Normandie au XIIe siècle », Bibliothèque de l’École des
Chartes, 2e série: V (1848-1849), p. 173-210, p. 287 : cite Liber. Niger capituli Baiocensis, n°XIII, f. v
r°: Antiquus cartularius ecclesiæ baiocensis livre noir, 1902-1903; MRSN, I, p. 74 et II, p. 495.
20 GIRAUD DE BARRI, Opera. 8, De principis instructione Liber, 1891, p. 316 (III, xxx) : tempore vero
regis Henrici secundi tot terris interim militibus tam rege Stephano prius, quam ab ispo postmodum, tum
propter werras primum inter ipsos postmodum erga Franciam fere continuas, large utrimque datis, vix
annui duodecim millium marcarum redditus fiscales sunt inventi. Quaeri ergo potest ab aliquo, vel
tacitum etiam quempiam movere, qualiter rex Henricus secundus et eius filii tot inter werras tantis
thesauris abundabant.
21 MOSS, V., « The Norman fiscal revolution 1193-1198 », dans Crisis, Revolutions and Self-Sustained
Growth, Essays in European Fiscal History 1130-1830, 1999, p. 38-57
22 Vincent Moss reprend à son compte l’idée de Jenkinson selont laquelle le rouleau de 1180
n’enregistrait pas les revenus des taxes prélevées, mais seulement la déduction des dépenses effectuées au
nom du roi.
23 MOSS, V., « Reprise et innovations : les rôles normands et anglais de l’année 1194-1195 et la perte de
la Normandie », dans La Normandie et l'Angleterre au Moyen Âge, 2003, p. 89-97 ; GUILLAUME DE
NEWBURGH, Chronicles of the reigns of Stephen, Henry II, and Richard I, 1884, II, p. 464-65 (c.19) :
ipso tempore rex Ricardus de partibus transmarinis misit in Angliam abbatem Cadomensem, indulta ei
potestae in iis quae fisco competerent subtilius atque districtius exquirendis… (à cette époque, le roi
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