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nécessitaient en effet le recrutement d’un personnel de cour compétent, capable de
manier le langage des chiffres. Recrutés au sein des milieux cléricaux, de la petite
aristocratie ou des élites urbaines, ces nouveaux acteurs ont été impliqué dans la gestion
de l’ordre public, par leur insertion au service du roi et de son administration fiscale,
judiciaire (legalis homines) ou militaire (ingénieurs et maîtres). L’apparition de ces
nouveaux acteurs dans la machine gouvernementale des Plantagenêt a ainsi favorisé
l’émergence d’une société politique et la fin d’un mode de gouvernement exclusivement
partagé entre le roi et son aristocratie. Ces nouvelles élites au service de la Couronne,
par leurs fonctions de gouvernement ou de contrôle et de vérification de l’action des
shérifs, faisaient désormais de la gestion du status regni un enjeu impliquant l’ensemble
de la communauté du royaume. D’une certaine manière, l’avènement de l’enquête,
comme paradigme de la justice et de l’administration à partir du XII e siècle reflète
l’avènement d’un nouveau mode de gouvernement caractéristique du pouvoir souverain,
en ce qu’il permet au roi, non seulement de tisser des liens en dehors du strict cadre des
relations de vassalité avec les communautés de son royaume, mais également parce que
les enquêtes permettent à ce dernier, en l’absence de carte, de prendre possession
mentalement des territoires sur lesquels il exerce sa domination.
Il n’est donc pas surprenant que ce soit à cette même époque que les
communautés « régnales » prennent conscience des solidarités qui cimentent leur
identité en les ancrant dans le territoire d’une patria ou d’un regnum 11 . Le rôle des
narrations généalogiques a été fondamental dans la construction de ces communautés ;
mais alors que dans la première partie du XII e siècle, les origines de chaque gens se sont
construites autour de la figure mythique d’un héros fondateur : Brutus, Rollon, Arthur,
ce dernier cesse d’être une figure exclusive de l’imaginaire breton pour devenir le
modèle cosmopolite de la chevalerie européenne. On a vu que le rôle de Richard Cœur-
de-Lion dans la construction de cette figure impériale avait été central. Il reflète, en
outre, l’évolution des représentations que les Plantagenêt se sont faites de leur empire
entre 1154 et 1216, ainsi que la manière dont ils l’ont parcouru et dont ils ont organisé
la politisation des lieux par la sacralité royale.
Ainsi, les langages du droit féodal, romain et anglo-saxon, la comptabilité
royale, les constructions mythologiques ainsi que la ritualisation croissante des
pratiques féodales ont été les principaux instruments de la politisation du pouvoir des
11 REYNOLDS, S., Kingdoms and Communities in Western Europe, 900-1300, 1986; DAVIES, R. R.,
« Presidential address : the peoples of Britain and Ireland 1100-1400. II. Names, boundaries and regnal
solidarities », T.R.H.S., 5 (1995), p. 1-20.
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