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comprenant l’ordre d’exécuter ou d’affecter des dépenses. Si les montants s’annulaient,
les shérifs étaient quittes, mais si les dépenses ne recouvraient pas totalement le montant
de la ferme, les sommes dues devaient êtres payées au Trésor. Richard d’Ilchester, qui
avait pour fonction de surveiller l’enregistrement des comptes et d’empêcher le trésorier
de s’endormir, introduisit dans les années 1180 un système de contre-brefs, c’est-à-dire
de copies des brefs envoyés aux shérifs, de sorte que les tentatives de fraudes pouvaient
être décelées et ainsi dissuader les shérifs 22 . Cependant, le mythe de l’efficacité
administrative des Plantagenêt ne doit pas être surestimée. Comme le fait remarquer
Nicholas Vincent, nombre de lettres au nom d’Henri II n’étaient sans doute pas
authentiques, car l’auteur du Dialogue met en garde son disciple sur les fraudes qui
parviennent à échapper au contrôle des finances des shérifs 23 .
Si la nécessité de gérer, de compter et donc de contrôler les ressources du
royaume constitue l’une des causes les plus souvent attribuées à l’essor des pratiques de
l’écrit, écrire n’est, en revanche, nullement indispensable à ces activités. La persistance
de l’usage des tallies dans le système d’enregistrement des dettes ou des avances de
l’Échiquier illustre bien la fonction principale de l’écrit comme instrument du savoir et
de la domination sur le réel 24 . Selon leurs formes du XIII e siècle, car aucune baguette
antérieure n’a survécu au grand incendie qui enflamma le palais de Westminster en
1830, les tallies étaient des baguettes de bois taillées, d’environ 20 centimètres de
long 25 . La somme due était notée par des encoches plus ou moins larges. £1000 étaient
marquées par une taille de l’épaisseur de la paume de la main, £100 par la largeur du
petit doigt, £1 celle d’un grain d’orge et 1 sous était marqué par une simple incision
sans taille 26 . De l’autre coté de la baguette était notés les noms des personnes
impliquées dans la transaction. Une fois la dette acquittée, les baguettes étaient fendues
à la base. Le shérif en gardait la partie longue, tandis que le moignon, désormais appelé
contre-taille, ou recautum, était conservé à l’Échiquier. Ce système permettait d’éviter
22 RICHARD FITZNIGEL, Dialogus de Scaccario (and) Constitutio Domus Regis. The Course of the
Exchequer. The Establishment of the Royal Household, 1983, p. 27 ; CLANCHY, M. T., From Memory
to Written Record : England, 1066-1307, 1993 [1979] p. 47.
23 VINCENT, N., « Why 1199 ? Bureaucracy and enrolment under John and his contemporaries », dans
English Government in the Thirteenth Century, 2004, p. 18-48, p. 25.
24 KUCHENBURCH, L., « Les baguettes de taille au Moyen Âge: un moyen de calcul sans écriture? »,
dans Écrire, compter, mesurer. Vers une histoire des rationalités pratiques, 2006, p. 113-142.
25 Pour une description de ce système voir JENKINSON, H., « Medieval Tallies, Public and Private »,
Archaeologica or Miscellaneous Tracts, 74 (1925), p. 289-351 et l’introduction de HUNTER, J. (éd.),
The Great Rolls of the Pipe for the Second, Third and Fourth Years of the Reign of King Henry the
Second, 1844.
26 RICHARD FITZNIGEL, Dialogus de Scaccario (and) Constitutio Domus Regis. The Course of the
Exchequer. The Establishment of the Royal Household, 1983, p.87-88.
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