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pourrait le croire 236 . Le nouvel intérêt de l’historiographie allemande, qui s’est
longtemps tenue à l’écart des questionnements sur l’espace, ne témoigne-t-il pas, en
effet, de l’attrait que provoque cette thématique depuis les années 90 ? 237 En France, la
redéfinition de l’espace comme construction sociale est effectuée, dès le début du XX e
siècle, lorsque Marcel Mauss et Émile Durkheim publient, dans l’Année sociologique,
un article sur la morphologie sociale des Eskimo, interrogeant les rapports entre espace
et société 238 . De même que l’école française de sociologie, la géographie vidalienne eut
une forte influence sur les historiens des Annales dès les premières générations 239 . Chez
Marc Bloch comme chez Fernand Braudel, l’espace est surtout compris dans son sens
vidalien de « milieu ». Mais, à partir des années 70, avec l’anthropologisation et la
« culturalisation » du discours historique et la remise en cause ‘post-moderne’ des
catégories d’analyses et des grands paradigmes qui avaient dominé l’histoire des
Annales, les questionnements sur l’espace s’effacent progressivement. Dans les trois
volumes consacrés à la « Nouvelle histoire », publiés par Pierre Nora et Jacques Le
Goff, l’espace n’apparaît en effet ni dans les nouveaux objets, ni dans les nouveaux
problèmes, ni dans les nouvelles approches 240 . À cette date, le concept d’espace est
pourtant fortement réinvesti par les géographes français et les historiens américains,
influencés par le modèle des études d’anthropologie urbaine de l’École de Chicago,
véhiculant l’idée que ce sont les sociétés qui structurent l’espace humain en lui
attribuant un ordre qui le met en relation avec le cosmos, la culture, etc. Puis, au début
des années 1980, de même que l’espace s’était substitué au concept de « milieu »,
comme paradigme global de la géographie, le concept de « territoire » devient
progressivement un « méta-concept » à vocation transdisciplinaire 241 . Mais,
236
ZOTZ, T., « Présentation et bilan de l'historiographie allemande de l'espace », dans Construction de
l'espace au Moyen Âge: pratiques et représentations, 2007, p. 57-71 ; DEVROEY, J. P. et LAUWERS,
M., « L'"espace" des historiens médiévistes: quelques remarques en guise de conclusion », dans Ibid., p.
435-453
237 e
Contrairement à la géographie française dominée par le spatialisme depuis la fin du XIX siècle, le
champ dominant de la géographie allemande est en effet plutôt celui de la géologie et de la morphologie.
Cette différence culturelle explique sans doute ce décalage.
238
MAUSS, M., « Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos. Étude de morphologie
sociale », Année sociologique, 9 (1904-1905), p. 38-130.
239
MAILLOUX, A. et VERDON, L., « Marc Bloch: l'espace produit de la société », dans Les territoires
du médiéviste, 2005, p. 23-33.
240
NORA, P. et LE GOFF, J. (eds.), Faire de l'histoire. 1 Nouveaux problèmes, 1986 [1974]; NORA, P.
et LE GOFF, J. (eds.), Faire de l'histoire. 2 Nouvelles approches, 1986 [1974]; NORA, P. et LE GOFF, J.
(eds.), Faire de l'histoire. 3 Nouveaux objets, 1986 [1974].
241
GRELAT-NOUVEL, H., De l'espace perçu à l'espace vécu, 1989 ; VANIER, M. (éd.), Territoires,
territorialité, territorialisation. Controverses et perspectives, 2009, le concept de territoire est apparu au
début des années 1980 chez des géographes comme Raffestin, Roncayolo, Di Méo, Brunet, Frémont, etc.
voir aussi SÉCHET, R. et KEERLE, R., « Petite histoire de délicatesses de "l'équipe-de-géographie-
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