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spatialisation des sociétés médiévales, dans lesquelles l’espace n’est perçu ni comme
fini, hétérogène ou continu. L’invention des chronochorèmes a également permis de
prendre en compte la dimension évolutive des phénomènes étudiés 381 .
À différents points de vues, les difficultés que pose la représentation euclidienne
d’un espace déterritorialisé, « cybernétisé » (Jacques Levy), rejoignent celles auxquelles
doivent faire face les médiévistes confrontés, eux aussi, à un espace fondamentalement
discontinu, hétérogène et polarisé. À l’instar du monde actuel « glocalisé », l’espace
féodal présentait un système où l’interaction entre le local et le global était fortement
articulée. Son principe général d’organisation reposait en effet sur le binôme
centralité/périphérie aussi bien à petite échelle : celle de la paroisse et de la communauté
villageoises - cellules de bases de l’organisation sociales – qu’à grande échelle :
l’espace de la Chrétienté 382 . En faisant le constat de « l’épuisement du paradigme
territorial républicain, tel qu’hérité de deux siècles de construction nationale, en appui
sur une rationalité de l’espace qualifiée d’euclidienne » 383 et en rejetant « la prégnance
d’une représentation de l’espace qui privilégiait la figure du puzzle, ou mieux de la
maille [qui faisait que] l’espace était appréhendé comme une juxtaposition et un
emboîtement » 384 , les géographes construisent des pistes de réflexion utiles pour les
médiévistes. Parmi les cinq « réalités émergentes » 385 relevées par Jacques Levy, qui
appelle à des changements dans la manière de représenter ces spatialités, se trouvent la
prise en compte des discontinuités de l’espace et du temps ainsi que de l’organisation
rhizomique des territoires. Des réalités qui coïncident, en bien des points avec celles
auxquels les médiévistes sont confrontés, tels que la démultiplication et l’imbrication
des espaces de références, l’inégale distribution des droits de chacun sur un territoire,
leurs superpositions à différentes échelles, la prééminence des liens interpersonnels dans
l’organisation sociale, ou encore la différentiation des territorialités en fonction des
pratiques sociales et l’importance des espaces interstitiels. Si toutes les cartographies de
381 MOUSNIER, M., « Quand la carte interroge le territoire », dans Les territoires du médiéviste, 2005, p.
417-437 cite BROCARD, M., « A propos de 'chroèmes' (Mappemonde 86-4) », Mappelonde, 1 (1988), p.
44; SIVIGNON, M., « Chorèmes: éléments pour un débat », Hérodotes, 76 (1995), p. 93-109;
MARCONIS, R., « Ambiguïtés et dérives de la chorématique"Ibid., p. 110-132.
382 GUERREAU, A., « Quelques caractères spécifiques de l’espace féodal européen », dans L'État ou le
roi. Les fondations de la modernité monarchique en France, XIVe-XVIIe siècles, 1996, p. 85-101, p.94-
95.
383 DEBARBIEUX, B. et VANIER, M., « Introduction. Les représentations à l'épreuve de la complexité
territoriale: une actualité? une prospective? », dans Ces territorialités qui se dessinent, 2002, p. 7-27, p.
21.
384 Ibid., p. 9.
385 LÉVY, J., « Un tournant cartographique? (ch.6) », dans Ces territorialités qui se dessinent, 2002, p.
129-144, (p. 136).
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