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clercs 15 . De même alors que le droit de reddibilité ou le jus praeli leur donne la capacité<br />

de mener une politique de contrôle des lieux de pouvoir, les dépossessions per<br />

voluntatem regis s’accentuent au cours du règne de Jean.<br />

L’argumentation de la voluntas regis, de la necessitas ou de l’utilitas regni pour<br />

mener à bien la politique de construction constitue une tendance nette au cours de la<br />

période, que les historiens des Plantagenêt et de leur aristocratie ont souvent décrit en<br />

termes d’arbitraire et d’autocratie. Au lieu de voir ces transformations comme la mise<br />

en place d’un gouvernement tyrannique, on pourrait se demander, en suivant la<br />

réflexion du philosophe italien Giorgio Agamben et sa relecture de Karl Schmitt sur le<br />

principe de l’état d’exception comme paradigme de gouvernement, dans quelle mesure<br />

ces éléments sont symptomatiques de la formation du pouvoir souverain. Au moment où<br />

se met en place un corps de doctrine juridique, émerge en effet simultanément un état<br />

d’exception qui caractérise l’état du prince, c'est-à-dire un état qui n’est ni extérieur, ni<br />

intérieur à l’ordre juridique (« ce qui plaît au roi a valeur de loi » 16 ). L’irruption du<br />

politique pourrait bien se trouver en effet dans la capacité à créer « un espace vide de<br />

droit, une zone d’anomie où toutes les déterminations juridiques – et avant tout la<br />

distinction même entre public et privé – sont désactivées », c'est-à-dire dans la<br />

formation d’un pouvoir souverain 17 .<br />

Alors que cette nouvelle conception du pouvoir se traduisait surtout dans les<br />

pratiques scripturaires et spatiales, sous les règnes d’Henri II et de Richard, elle tend<br />

progressivement à entrer dans les pratiques discursives à partir du règne de Jean. Ainsi,<br />

tandis qu’Henri II avait introduit l’expression Dei Gratia dans sa titulature et que<br />

Richard avait adopté le pluriel de majesté, Jean va jusqu’à revendiquer le statut impérial<br />

de son pouvoir sur l’Angleterre (regnum Anglicanum quasi imperio adequetur) 18 .<br />

L’évolution des représentations du pouvoir se traduit notamment par la sanctification de<br />

la fonction royale, la sacralisation du corps du roi et la ritualisation des cérémonies<br />

l’exaltation de sa gloire 19 .<br />

15<br />

PELTZER, J., Canon Law, Careers and Conquest. Episcopal Elections in Normandy and Greater<br />

Anjou, c. 1140-c. 1230, 2008.<br />

16<br />

AGAMBEN, G., Homo sacer II.1: État d'exception, 2003, p. 43-45 : cite le Decretum de Gratien, (pars<br />

III, dist. 1, cap. 11), plutôt que de rendre licite, la nécessité agit ici comme justification d’une<br />

transgression dans un cas spécifique par une exception.<br />

17<br />

Ibid., p. 86-88.<br />

18<br />

TURNER, R. V., King John, England’s Evil King ? 2005, p. 138, cite Foedera, I, p. 87.<br />

19<br />

KANTOROWICZ, E. H., Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen âge, 2000<br />

[1957]; KANTOROWICZ, E. H., Laudes Regiae. Une étude des acclamations liturgiques et du culte du<br />

souverain au Moyen Âge, 2004; AGAMBEN, G., Homo Sacer II.2 Le règne et la gloire. Pour une<br />

généalogie théologique de l'économie et du gouvernement, 2008.<br />

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