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frontière « naturelle » par définition, mais seulement des naturalisations de la frontière,
comme le montre le cas de la Manche qui n’était pas plus au Moyen Âge qu’à l’époque
moderne une frontière « naturelle », ni même « nationale », puisque l’aristocratie
normande était, jusqu’en 1204 du moins, aussi une aristocratie anglaise 6 .
Si le renouvellement des études sur la frontière doit beaucoup d’une certaine
manière à l’anthropologie historique, le rôle de la géographie ne peut pas être totalement
écarté, en particulier en ce qui concerne l’analyse des différents types de
« territorialités » 7 frontalières 8 . La « géopolitique » s’est notamment renouvelée en
prenant en compte le caractère multiforme des frontières pour tenter d’en faire une
étude comparative 9 .
L’échelle impériale dans laquelle s’inscrit notre étude invitait à appréhender les
frontières de l’empire Plantagenêt dans une perspective comparative, non seulement
pour ne pas reproduire la description du « tracé » de la frontière comme ligne de partage
tel que l’avait proposé Jacques Boussard en 1956 10 , mais aussi et surtout pour mieux la
comprendre comme un espace dynamique, profondément hétérogène et instable, dont la
fixation juridique s’est imposée progressivement au fil des traités, de plus en plus
nombreux, passés entre les Plantagenêt et leurs voisins. Nous ne traiterons pas, par
exemple, les frontières de l’Aquitaine comme un tout mais en les distinguant selon les
dynamiques propres aux différents fronts qui la constituent : les constructions
frontalières limitant l’extension du comté de Toulouse ne peuvent en effet être
assimilées aux confins auvergnats. L’empire Plantagenêt ne possède pas une, mais de
multiples frontières qui correspondent à autant de formes territoriales du pouvoir. Ainsi,
il s’agira moins de rechercher la cohérence d’un projet impérial programmé au travers
6 MORIEUX, R., Une mer pour deux royaumes, 2008.
7 Le concept de territorialité est utilisé par les géographes pour insister sur le « caractère intentionnel,
donc au moins partiellement accepté et même parfois choisi, et non plus seulement subi, du rapport des
êtres humains à leur espace et donc aux autres ». SÉCHET, R. et KEERLE, R., « Petite histoire de
délicatesses de "l'équipe-de-géographie-sociale-de-la-France-de-l'Ouest" avec le territoire », dans
Territoires, territorialité, territorialisation. Controverses et perspectives, 2009, p. 83-93 ; pour les
défintion de territorialisation. Voir aussi VANIER, M. (ed.), Territoires, territorialité, territorialisation.
Controverses et perspectives, 2009, p. 12, 29, 199
8 Voir les travaux de Michel Fouchet et Claude Raffestin notamment : FOUCHET, M., Fronts et
frontières. Un tour du monde géopolitique, 1988; GUICHONNET, P. et RAFFESTIN, C., Géographie
des frontières, 1974 et plus récemment AMILHAT-SZARY, A. et FOURNY, M. C. (eds.), Après les
frontières, avec la frontière. Nouvelles dynamiques transfrontalières en Europe, 2006; WACKERMANN,
G., Les frontières dans un monde en mouvement, 2005.
9 MILLER, D. H. et al., The Frontier : Comparative Studies, 1977. Série de conférences qui se sont
tenues à l’université d’Oklahoma à partir de 1976.
10 BOUSSARD, J., Le gouvernement d'Henri II Plantagenêt, 1956.
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