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Dans la mesure où le contrôle de la configuration de l’espace constitua un
facteur dont l’importance ne cesse de s’accroître dans la définition du pouvoir, il n’est
pas surprenant de voir que les tensions entre l’Église et les princes occidentaux à partir
du XII e siècle se cristallisent autour des questions d’empiètements juridiques et le
contrôle des lieux comme matrice de la construction territoriale 143 . Cette querelle
s’inscrit donc entièrement dans le contexte de la lutte entre regnum et sacerdotium qui
caractérise l’essor de l’institution ecclésiale au XII e et XIII e siècle 144 . Dans cette lettre,
Thomas Becket exprimait la volonté de l’Église grégorienne de séparer de plus en plus
clairement le monde des clercs et celui des laïcs, notamment en intégrant les moines
dans le monde clérical et en luttant contre les prérogatives dont jouissaient jusqu’à
présent les laïcs sur les établissements monastiques dont ils avaient le patronage. La
notion même de patronage est donc au centre des débats et elle fait l’objet d’une
redéfinition juridique dans le droit canon visant à réduire les pouvoirs des laïcs au profit
des prêtres et de leur office divin 145 . La place des laïcs dans l’Église au travers du
patronage monastique constitue donc, au XII e siècle, un véritable enjeu de lutte pour le
contrôle de l’espace et du territoire. Toutefois, les conflits autour des fondations
monastiques n’ont pas concerné que les rapports entre le roi et l’Église : si les enjeux
était cléricaux parce qu’il s’agissait d’affirmer la volonté royale sur les élections
épiscopales et abbatiales (concernant les monastères royaux) ils avaient également des
implications « féodales ». En se saisissant des failles du patronage laïc, les Plantagenêt
ont en effet pu exercer une forme de coercition contre leurs vassaux par le contrôle de
leurs fondations.
Clarendon en 1164 et auxquelles l’archevêque de Canterbury avait refusé de se soumettre, provoquant
immédiatement son exil. BARLOW, F., Thomas Becket, 1987, p. 100-116; FOREVILLE, R., L'Église et
la royauté en Angleterre sous Henri II Plantagenet : 1154-1189, 1943.
143 ROSENWEIN, B. H., Negotiating Space. Power, Restraint and Privileges of Immunity in Early
Medieval Europe, 1999; MAZEL, F. (éd.), L'espace du diocèse. Genèse d'un territoire dans l'Occident
médiéval (Ve-XIIIe siècle), 2008; MORSEL, J. et DUCOURTIEUX, C., L'histoire (du Moyen Âge) est un
sport de combat. Réflexions sur les finalités de l’Histoire du Moyen Âge destinées à une société dans
laquelle même les étudiants d’histoire s’interrogent, 2007.
144 Anne J. Duggan a récemment montré que la crise sur laquelle elle déboucha était profondément liée
aux personnalités d’Henri II et de Thomas Becket et à la radicalité de leurs décisions DUGGAN, A. J.,
« Henry II, the English Church and the Papacy, 1154-76 », dans Henry II: New Interpretations, 2007, p.
154-183. Mais cette analyse fondée sur les « caractères » peut être également interprétée sans doute plus
justement en terme sociologique. C’est notamment l’analyse que fait Joseph Morsel, s’appuyant sur les
concepts de la sociologie de Pierre Bourdieu, lorsqu’il propose de considérer le retournement de Becket
comme un symptomatique d’un « effet de champ » ; MORSEL, J., L'aristocratie médiévale : la
domination sociale en Occident, Ve-XVe siècle, 2004, p. 135-136.
145 WOOD, S. M., The Proprietary Church in the Medieval West, 2006, p. 883-904.
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