Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Index of - Free

de la monarchie anglo-saxonne, et son découpage administratif (shire, hundred,
wapentake, etc.), qui donnait des assises territoriales au pouvoir royal. L’intégration des
structures monarchiques anglaises par la nouvelle élite fut sans doute facilitée par le fait
que le pouvoir ducal normand reposait également sur des structures institutionnelles, qui
avaient résisté à l’essor de la seigneurie châtelaine, et sur la permanence d’agents
ducaux, toujours attachés au service du prince 16 .
L’historiographie française a également été marquée par d’importants débats sur
la « révolution féodale ». Cependant, cette expression ne désigne pas le même
phénomène qu’en Angleterre. En France, le débat est né dans les années 1980 des
critiques que Dominique Barthélemy a adressées aux historiens héritiers de Georges
Duby et Pierre Bonnassie, défendant le schéma d’une « mutation » féodale de la société
au tournant des X e -XI e siècle 17 . De ces débats, il ressort aujourd’hui qu’il n’y a pas un
modèle, mais plusieurs processus de féodalisation de la société qui se sont effectués
dans des temporalités et selon des mécanismes différents selon les régions. Ces
conclusions, qui rejoignent d’une certaine manière celles de Susan Reynolds,
s’appliquent aux territoires de l’empire des Plantagenêt. Alors que les rapports « féodo-
vassaliques » sont insérés relativement tôt dans des relations institutionnelles, en
Angleterre et en Normandie, ailleurs la féodalité est avant tout un système décentralisé
et les rapports entre le prince et ses vassaux sont principalement régulés par les
conventiones qui établissent une relation contractuelle 18 . Cependant, tous ces territoires
de l’empire connaissent un processus commun au cours de la seconde moitié du XII e
siècle : celui de la normalisation féodale des rapports sociopolitiques. Susan Reynolds
remarquait en effet que c’est seulement à partir du règne d’Henri II que le terme feodum
devient la norme terminologique dans la documentation aussi bien anglaise que
16 HASKINS, C. H., Norman Institutions, 1918 ; YVER, J., « Les châteaux-forts en Normandie jusqu’au
milieu du XII e siècle : contribution à l’étude du pouvoir ducal », Bulletin de la société des antiquaires de
Normandie, 53 (1955-56), p. 28-112.
17 Il n’est pas question ici d’évoquer ces débats. Je renvoie donc à quelques propositions de résumés :
BARTHÉLEMY, D. et WHITE, S. D., « The "Feudal revolution" », Past & Present, 152 (1996), p. 196-
223 ; BARTHÉLEMY, D., « Nouvelle contribution au débat sur l’an mil en France », dans Les origines
de la féodalité. Hommage à Claudio Sanchez Albornoz, 2000, p. 85-105; LAURANSON-ROSAZ, C.,
« Le débat sur la "mutation féodale" », Scienza & Politica, 26 (2002), p. 3-24.
18 DEBORD, A., La société laïque dans les pays de la Charente : Xe-XIIe siècles, 1984; BOUTOULLE,
F., Le duc et la société : pouvoirs et groupes sociaux dans la Gascogne bordelaise au XIIe siècle, 2007,
p. 209-228. De même, alors que l’alleu n’existe pas en Angleterre, il constitue une forme de possession de
la terre relativement répandue sur le continent. BARTHÉLEMY, D., La société dans le comté de
Vendôme de l'an mil au XIVe siècle, 1993, parle d’une « révélation féodale » qui se serait effectuée
progressivement entre 970-1150, période au cours de laquelle la seigneurie châtelaine ne se substitue pas
aux alleux mais devient une « sorte de superstructure servant à étayer et articuler l’infrastructure
allodiale ». (p. 506).
9