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large étendue de terre par ses victoires triomphales » 324 . Comme le fait remarquer
Martin Aurell, à une époque où la connaissance des classiques latins se répand parmi les
intellectuels, le mot n’est pas innocent, il ne renvoie pas à une simple domination du
prince sur un espace, mais il évoque l’empire romain conquérant 325 . Ainsi, il n’est pas
étonnant de retrouver les topos comparant Henri II aux Césars antiques ou à Alexandre
le Grand dans la littérature des espaces récemment conquis par Henri II. C’est le cas par
exemple de la Topographia Hibernica de Giraud de Barri :
C’est à l’assaut de l’orbe terrestre que vos victoires s’élancent : vous
êtes notre Alexandre d’Occident, qui étendez votre bras des
montagnes pyrénéennes aux limites extrêmes à l’ouest de l’océan
septentrional. 326
Dans la Chanson de Dermot et du Comte, qui raconte la conquête de l’Irlande, le
roi Dermot MacMurrough s’adresse à Henri II en parlant des « baruns de tun
empire » 327 . Ici, l’usage du vocable d’empire désigne cependant une forme d’autorité
détenue par les Plantagenêt qui diffère de celle qu’ils possédaient sur le continent.
L’autorité supérieure que détenaient Henri II et ses fils, dans les marges ‘celtiques’, était
fondamentalement non territoriale : ils laissaient en effet toute liberté de gouvernement
aux princes gallois, irlandais et écossais qui leur avaient prêté hommage en échange
d’un tribut ou de l’aide militaire, selon leur degré de féodalisation 328 . La préservation de
cette forme de souveraineté devient alors constitutive de la formation d’un ‘empire
britannique’, au sein duquel les territoires intégrés ne cesseront de lutter contre leur
assimilation à l’État monarchique anglais 329 . À la fin du XII e siècle, l’imperium
Plantagenêt ne recouvre donc pas la même réalité en Irlande et en Gascogne, mais cela
dépend moins de l’imperium lui-même que de sa relation à la domination effective du
roi. La distinction entre imperium et dominium n’est cependant pas si évidente à la fin
324 RICHARD FITZNIGEL, Dialogus de Scaccario (and) Constitutio Domus Regis. The Course of the
Exchequer. The Establishment of the Royal Household, 1983 p. 27 : Hic enim rex licet ‘attauis regibs
editus’ fuerit et per longa terrarum spatia triumphali victora suum dilatauerit imperium.
325 AURELL, M., L'empire des Plantagenêt : 1154-1224, 2004, p. 10.
326 GIRAUD DE BARRI, Opera. 5, Topographia hibernica et expugnatio hibernica, 1861-1891, p. 189 :
Cap. XLVII : Certans enim cum orbe terrarum victoriae vestrae : cum a Pirenaies montibus usque in
occiduos et extremos borealis oceani fines, Alexander noster occidentlis, brachium extendisti.
327 GAUTIER, A., « L'empire angevin: une invention des historiens? », Mémoire de Maîtrise d'histoire
médiévale, sous la direction de Philippe Contamine et Frédérique Lachaud, 1996, Paris, p.27, cite The
song of Dermot and the Earl : an old French poem from the Carew manuscript no. 596 in the
Archiepiscopal Library at Lambeth Palace, 1994, v. 285.
328 DAVIES, R. R., « Keeping the native order: the English king and the ‘Celtic’ rulers 1066-1216 »,
Peritia. Journal of the Medieval Academy of Ireland, 10 (1996), p. 212-224.
329 DAVIES, R. R., The First English Empire. Power and Identities in the British Isles, 1093-1343, 2000.
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