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Chapitre 4
Constructions et délimitation des
frontières de l’empire
Les XII e et XIII e siècles constituent un tournant dans la conception territoriale
des délimitations politiques. Au moment où les concepts de regnum et patria prennent
une dimension de plus en plus territoriale comme le traduisent les titulatures princières
où l’expression rex Francia vient se substituer à rex francorum, aucun vocabulaire
spécifique ne vient cependant marquer dans le langage ce glissement, qui se contente
d’investir d’un nouveau sens des mots déjà présents. Si le terme de frontière est absent
du lexique médiéval, qui utilise plus volontiers les termes de limites (fines, termini),
confins (confina), marges (margines, marcha), voire borne (meta), ne peut-on utiliser le
concept de frontière, pour définir au XII e siècle des zones de contacts entre deux
espaces politiques, qui inclurait toute cette polysémie 1 ?
Repenser la frontière médiévale à l’échelle de l’empire des Plantagenêt comme
un espace fluide d’interactions oblige en effet à remettre en cause les cadres conceptuels
qui ont longtemps dominé la définition de la frontière. Pourtant, depuis le XIX e siècle,
l’idée de frontière a profondément changé. Les travaux pionniers de Frederick Jackson
Turner sur la frontière américaine sont les premiers à remettre en cause l’idée de la
frontière comme ligne d’arrêt, barrant l’accès aux ennemis ou comme frontière
« naturelle » pour définir la frontière comme zone de passages et de contacts, et en
conséquence instable et dynamique 2 . Longtemps ignorés voire rejetés, ces travaux ont
été l’objet de relectures successives qui ont alimenté le renouveau de ce thème
1 NORDMAN, D., Frontières de France: de l'espace au territoire : XVIe-XIXe siècle, 1998.
2 TURNER, F. J., The frontier in American history, 1997; TURNER, F. J., Rereading Frederick Jackson
Turner "The significance of the frontier in American history" and other essays, 1998.
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