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l’affaiblissement des relations disciplinaires entre l’histoire et la géographie, notamment
depuis la remise en cause de la géo-histoire braudélienne, explique sans doute que ces
évolutions n’intègrent pas le discours des historiens avant la fin des années 1980.
Malgré l’article programmatique que Bernard Lepetit et Patrice Bourdelais livrent en
1986, en hommage à Fernand Braudel, pour renouveler les approches historiques de
l’espace, il faut attendre le succès de la microhistoire et de ses « jeux d’échelles » 242 et
le « tournant critique » qu’opèrent les Annales, pour que l’évolution des représentations
de l’espace soit entendue par les historiens 243 . L’essor des études sur l’espace et le
territoire dans le champ historique, y compris chez les médiévistes, se redéploie donc
dans un contexte de réflexions sur la discipline, dont « l’émiettement » ou la « crise »
entraîne un reclassement des disciplines et une mise à distance des objets traditionnels
de la recherche historique 244 . L’espace devient ainsi une catégorie mise à distance,
historicisée et replacée dans la pratique historienne, afin de montrer comment elle a été
progressivement construite ou plus exactement, comment en tant que catégorie
préconstruite, elle s’est longtemps située en amont du raisonnement historique,
contraignant la logique de la recherche 245 . L’évolution importante des années 90 peut
également être mise en relation avec l’ouverture disciplinaire que les historiens des
Annales ont largement impulsée. « Aussi, l’espace des historiens est aujourd’hui plus
éclaté que jamais, comme l’est leur discipline » 246 . Paradoxalement, alors que les
géographes sont également traversés par une « crise épistémologique » marquée par une
profonde remise en questions des certitudes de la géographie sur la catégorie d’espace,
les historiens n’ont presque jamais revendiqué leur apport 247 . Les historiens, préférant
sociale-de-la-France-de-l'Ouest" avec le territoire », dans Territoires, territorialité, territorialisation.
Controverses et perspectives, 2009, p. 83-93 ; RIPOLL, F. et VESCHAMBRE, V., « Le territoire des
géographes: quelques points de repères sur les usages contemporains », dans Les territoires du
médiéviste, 2005, p. 271-291.
242
REVEL, J. (éd.), Jeux d'échelles. La micro-analyse à l'expérience, 1996.
243
BOURDELAIS, P. et LEPETIT, B., « Histoire et espace », dans Espaces, jeux et enjeux. Nouvelle
encyclopédie des sciences et des techniques, 1986, p. 17-26, LABOULAIS-LESAGE, I., « Les historiens
français et les formes spatiales : questionnements et manières de faire (1986-1998) », dans Les espaces de
l’historien, 2000, p. 33-50.
244
NOIRIEL, G., Sur la "crise" de l'histoire, 2005; DOSSE, F., L'histoire en miettes : des Annales à la
nouvelle histoire, 2005; CHARTIER, R., Au bord de la falaise : l'histoire entre certitudes et inquiétude,
1998.
245
WAQUET, J.; GOERG, O. et ROGERS, R. (eds.), Les espaces de l'historien, 2000, p. 11-12.
246
Ibid., p. 15.
247
LÉVY, J. et LUSSAULT, M. (eds.), Logiques de l'espace, esprit des lieux : géographies à Cerisy,
2000; LÉVY, J., « Une géographie vient au monde », Le débat, 92 (1996), p. 42-57.TRONCHET, J. R.,
« Critique : Les Annales et l’espace », Géographie et cultures, 44 (2002), p. 113-123 ; RIPOLL, F. et
VESCHAMBRE, V., « Le territoire des géographes: quelques points de repères sur les usages
contemporains », dans Les territoires du médiéviste, 2005, p. 271-291.
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