Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Index of - Free

désignait en revanche l’institution chargée de gérer des fonds consacrés aux
constructions, sens qui s’efface par la suite au profit de celui de chantier.
Le phénomène des constructions de pont prend son essor autour de l’an mil,
dans un contexte de transformations non seulement sociales mais aussi
environnementales. L’essor de l’agriculture, l’assèchement des terres, le début des
défrichements ont en effet pour conséquence de rendre les rivières plus profondes et
plus rapides, et donc plus dangereuses ou impossibles à traverser à guet 185 . Christopher
Taylor utilise même l’expression de « seconde révolution du paysage » pour désigner
les changements qui sont intervenus entre 800 et 1200 en Occident. À ce facteur
s’ajoute celui de l’essor du trafic lié au développement du commerce et à la circulation
des hommes et des biens, qui impose le remplacement progressif des fords par des
ponts. Mais si l’essor de ces œuvres est concomitant avec la densification du réseau
routier et l’intensification des relations commerciales, il s’inscrit également dans le
vaste mouvement de pacification conduit par l’Église à partir du début du XI e siècle en
Occident pour suppléer à l’effondrement des pouvoirs centraux. L’essor de ces œuvres
de pont comme forme d’engagement laïque et charitable ne peut en effet être compris en
dehors des institutions de paix visant à normaliser les relations sociales et l’activité
économique, en facilitant la circulation des marchands et des pèlerins à travers la
Chrétienté (at utilitatem fidelium transeuntium), car voyager est entreprise périlleuse à
cette époque 186 . Pour Jean Mesqui, cependant, rares sont les ponts au nord de la Loire
qui ont servi de support au sentiment religieux et qui sont édifiés grâce à la charité des
fidèles 187 .
La persistance d’une forte autorité princière, comme en Anjou et en Normandie,
ne permet pas, en effet, la mise en place de ces organisations de fidèles en dehors de
tout contrôle seigneurial. Dans la plupart des régions de l’empire Plantagenêt, le pont
apparaît donc davantage comme une œuvre d’utilité commune, relevant des
185 TAYLOR, C., « The English settlement: Introduction », dans The Making of the English Landscape,
2005, p.40-42. voir également DARBY, H. C., « The clearing of the Woodland in Europe », dans Man’s
role in changing the face of the Earth, 1956, p. 183-216; RACKHAM, O., The History of the
Countryside, 1986; COOPER, A. R., Bridges, Law and Power in Medieval England, 700-1400, 2006, p.
22.
186 LE BLÉVEC, D., La part du pauvre. L'assistance dans les pays du Bas-Rhône du XIIe siècle au milieu
du XVe siècle, 2000, II, p. 324-26 cite l’exemple du vieux pont d’Albi dans BIGET, J. L., « Récits d'une
histoire oubliée (Ve - XIIe siècle) », dans Histoire d'Albi, 1983, p. 33-56, voir aussi BOYER, M. N.,
Medieval French Bridges. A History. 1976 ; BROOKS, N., « Medieval bridges : a window onto changing
concepts of state power », H.S.J., 7 (1995), p. 11-37.
187 MESQUI, J., Le pont en France avant le temps des ingénieurs, 1986; MESQUI, J., « Les "œuvres de
pont », dans les routes du sud de la France », dans 110e congrès national des sociétés savantes, 1987,
p. 231-243.
268