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La construction des remparts dans les années 1160-70 répondait donc à une
fonction économique et il faut souligner la contemporanéité de cette construction avec
la rédaction, sous l’autorité d’Henri II, des Etablissements de Rouen, qui instituaient une
commune et codifiaient les relations entre le duc et les bourgeois 100 . Sans pouvoir
affirmer que la construction des remparts découlait de cette commune, il n’est pas
impossible de les voir également comme l’expression à la fois de cette nouvelle
autonomie civique et comme la marque de la réaffirmation du pouvoir ducal dans la
cité.
Pour Giraud de Barri, l’action d’Henri II à Rouen constitue un modèle pour les
princes attentifs au bien commun. Dans le Liber de Principis Instructione, qu’il dédie à
Louis VIII, Giraud raconte en effet que :
La providence s’applique à de nombreux domaines, non seulement à
la vie mais aussi à ce qui concerne la sécurité et la félicité des temps.
Enceindre des villes de murs, les entourer de fossés, ériger des tours,
les approvisionner copieusement en armes et en denrées, donner des
franchises à leurs citoyens, promouvoir de nombreux dons… tout cela
est l’esprit de la providence et de la sagesse. 101
Si Rouen était en effet l’une des cités les plus dynamiques d’Occident à la fin du
XII e siècle, concurrençant Paris et Londres, ces critères suffisent-ils à la définir comme
« capitale » ? 102 Le caractère nomade du gouvernement et la dispersion des fonctions
capitales dans les différentes villes de Normandie – l’Échiquier, le Trésor et le
Sénéchalat étaient à Caen par exemple – doit nous laisser prudents sur l’usage de cette
coule aux pieds des remparts de Rouen, chaque jour des bateaux chargés de marchandises variées
l’empruntent. D’autre part la ville est peuplée et on y trouve des murailles, des églises, des édificies
publics. Depuis très longtemps elle domine à bon droit toute la Normandie (Ecce Sequana piscosum
flumen Rothomagensem murum allambit, navesque pluribus mercimoniis refertas huc cotidie devehit. Et
ex alia parte civitas populosa menibus sacrisque tempus et urbanis edibus speciosa cui iure a priscis
temporibus subiacet Normannia tota)
100 NEVEUX, F., La Normandie des ducs aux rois : Xe-XIIe siècle, 1998, p. 258-260. voir aussi
SEGALA, S., « Le régime juridique des Établissements de Rouen », dans Bonnes villes du Poitou et des
pays de charentais (XIIe-XVIIIe siècles), 2002, p. 167-208.
101 GIRAUD DE BARRI, Opera. 8, De principis instructione Liber, 1891, p. 43-44 : Nec solum ad
vivendum, verum etiam ad secure feliciterque tempus agendum, plurimum providentia valet. Urbes enim
muris claudere, cingere fossatis, turribus erigere, armis atque alimentis copiose munire, ad haec etiam
civium animos libertatibus extollere, crebus excitare donariis… providae mentis est et sapientis.
102 BATES, D., « Rouen from 900 to 1204 : from Scandinavian Settlement to Angevin ‘Capital’ », dans
Medieval art, architecture and archaeology at Rouen, 1993, p. 1-11; GAUTHIEZ, B., « Paris, un Rouen
Capétien? (Développements comparés de Rouen et de Paris sous les règnes de Henri II et Philippe
Auguste) », dans A.N.S., 1993, p. 117-136: « l’urbanisme pratiqué par Henri II à Rouen, à notre
connaissance sans parallèle dans les grandes villes de l’ensemble Plantagenêt lui donne ainsi des traits qui
sont ceux d’une capitale » (p. 123).
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