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À partir du règne de Richard, apparaît donc une nouvelle manière d’affirmer la<br />

sacralité du pouvoir, reposant moins sur l’association au culte des saints, que sur la<br />

sanctification de la personne royale elle-même. La représentation répétée du roi en<br />

majesté au cours de cérémonies protocolaires contribuait en effet à introduire une<br />

distance plus grande entre le roi et son aristocratie. Selon Claude Fagnen, le vocabulaire<br />

des chartes de Richard traduit cette évolution de « l’étiquette » par l’usage, dès les<br />

premiers jours du règne, du pluriel de majesté : « un phénomène très révélateur, sur le<br />

seul plan psychologique, de la notion de souveraineté que Richard Cœur-de-Lion a<br />

voulu imposer à son entourage et à son immense empire » 175 . En même temps, le roi<br />

continue d’attester ses chartes par un teste me ipso, illustrant selon Claude Fagnen, la<br />

volonté du roi comme l’expression quasi-impersonnelle du responsable de l’État. Cette<br />

apparente contradiction traduit sans doute la dissociation croissante, autour de 1200,<br />

entre la fonction et la personne royale. Au moment même où la Couronne se distingue<br />

du domaine royal (voir chapitre 3), la dignitas regalis se sépare également de la<br />

personne royale, posant ainsi les germes d’une dualité physique et politique préfigurant<br />

la théorie des deux corps du roi 176 . En outre, la mise en scène des attributs du prince par<br />

les insignes, l’allure, l’attitude, la rhétorique a été considérée par Jürgen Habermas<br />

comme des éléments participant à la structuration de la vie publique : dans un pouvoir<br />

structuré par la représentation, le cérémonial a en effet pour fonction de régler la place,<br />

la fonction et l’attitude de chacun 177 . Selon Gérard Sabatier, c’est en effet au XII e siècle<br />

que l’impératif cérémonial remplace progressivement celui de la sécurité, avec<br />

conséquences sur agencement des lieux et architecture 178 .<br />

L’émergence de ce mode de gouvernement fondé sur une relation d’autorité<br />

souveraine n’implique cependant pas l’abandon de l’itinérance royale. Même si<br />

l’alourdissement du cérémonial tend progressivement à sédentariser la cour, le roi<br />

continue à parcourir l’ensemble de son royaume, accompagné de son administration.<br />

Cependant, l’itinérance royale reposait désormais moins sur un mode de vie « nomade »<br />

175 FAGNEN, C., « Le vocabulaire du pouvoir dans les actes de Richard Coeur de Lion duc de Normandie<br />

(1189-1199) », dans Les pouvoirs de commandement jusqu'en 1610. Actes du 105e Congrès national des<br />

sociétés savantes, 1984, p. 79-93;<br />

176 KANTOROWICZ, E. H., Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen âge, 2000<br />

[1957]; GIESEY, R. E., Le Roi ne meurt jamais les obsèques royales dans la France de la Renaissance,<br />

1987; GIESEY, R. E., Cérémonial et puissance souveraine, 1987 ;<br />

177 HABERMAS, J., L'espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la<br />

société bourgeoise, 1978, p. 20, cité par CORNETTE, J. et AUZÉPY, M., « Lieux de pouvoir, pouvoir<br />

des lieux », dans Palais et pouvoir de Constantinople à Versailles, 2003, p. 5-31.<br />

178 SABATIER, G., « Le palais d'Etat en Europe, de la Renaissance au Grand Siècle », dans Palais et<br />

pouvoir de Constantinople à Versailles, 2003, p. 81-107 ;<br />

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