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3- La conquête des marches intérieures : réseaux globaux
et l’émergence de nouveaux territoires
En rassemblement sous sa seule autorité des territoires provenant d’héritages
multiples, Henri II constituait un empire aussi vaste qu’hétérogène, dont la spécificité a
longtemps alimenté les réticences vis-à-vis du vocable d’empire. Si la légitimité de la
domination des Plantagenêt sur chacun de ces territoires était partout reconnue, le
contrôle de tous ces espaces comme un ensemble cohérent ne fut jamais complètement
acquis. Constituait-il seulement un projet conscient de la part des Plantagenêt ? S’il est
possible d’en douter comme Sir James Holt et C. Warren Hollister 253 , on ne peut
cependant nier l’inlassable effort d’Henri II pour réduire les pouvoirs des seigneuries
ancrées dans les marges des anciennes principautés territoriales de l’empire.
L’affaiblissement des seigneuries de marches fut une conséquence de la formation de
l’empire Plantagenêt et de la concentration entre les mains d’Henri II des pouvoirs
princiers autrefois concurrents, parce qu’il rendait obsolètes les stratégies de pluralité et
de fluidité des hommages, qui constituaient le pivot de la structure de ces seigneuries de
confins. Selon Jean Dunbabin, cependant, la réduction des frontières internes s’appuya
moins sur une action directe sur les lieux que sur le renforcement des liens entre le roi et
les seigneurs de ces marches 254 . La formation de l’empire provoqua ainsi l’insertion des
marches internes dans des espaces politiques plus globaux, se jouant à l’échelle des
royaumes 255 .
La transformation de ces territoires s’inscrit donc dans une double échelle
d’analyse : à l’échelle locale d’une part, où l’intégration s’est concrétisée par un
renforcement de la présence territoriale des Plantagenêt, dont on dégagera les stratégies
d’implantation ; et à l’échelle globale de l’autre, par l’insertion – ou non – de ces
seigneurs de marche dans les réseaux liés à l’entourage du roi et de la cour, notamment
grâce au contrôle du marché matrimonial 256 . En faisant varier ces deux échelles
253 HOLLISTER, C. W. et KEEFE, T. K., « The Making of the Angevin Empire », The Journal of British
Studies, 12: 2 (1973), p. 1-25; HOLLISTER, C. W., « Normandy, France and the Anglo-Norman Regnum
», Speculum, 51: 2 (1976), p. 202-242; HOLT, J. C., « The end of the Anglo-Norman realm », Proceeding
of the British Academy, 61 (1975), p. 223-265 pensent qu’il n’y eut jamais de « théorie de l’empire »,
clairement articulée.
254 DUNBABIN, J., France in the making, 843-1180, 1985, p. 347.
255 RENOUX, A., « Le roi Jean, « s'il avait capturé le comte Robert d'Alençon et le sire Juhel de
Mayenne, il l'aurait gagnée sa guerre!" », dans Plantagenêts et Capétiens: confrontations et héritages,
2006, p. 227-265.
256 À partir de 1185, Henri II fait rédigé le Rotuli de dominabus et pueris et puellis de XII comitatibus
dressant la liste des veuves et des orphelins à marier de douze comtés anglais, afin de s’assurer le contrôle
de ce marché. ROUND, J. H. et MARTIN, C. T. (eds.), Rotuli de dominabus et pueris et puellis de XII
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