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l’Angleterre » que lui donnera Mathieu Paris 306 . L’efficacité prouvée de ces structures et
la nouvelle importance symbolique du modèle de Douvres explique sans doute leur
diffusion en Angleterre dans les années 1220. L’importance des dépenses engagées par
Henri II interroge cependant sur la fonction essentiellement militaire du site. Plus de
£7000 sont en effet enregistrées sur les pipe rolls à partir de 1168, une somme
nettement supérieure à celle nécessaire pour élever la tour de Newcastle (dont le coût
s’élève à £1130), construite sur le même modèle du plan carré, typique des donjons
normands, mais dans des dimensions moins imposantes (illustration 5.36). Une telle
monumentalité suggère que la construction comportait une dimension symbolique non
négligeable 307 . Si les deux tours flanquées latéralement permettaient effectivement,
grâce à leur surplomb, de mieux gérer les attaques ennemies, les dimensions de Douvres
visaient non seulement à manifester la puissance royale mais aussi à impressionner les
voyageurs et dissuader les soldats des armées capétiennes. Les chroniqueurs ne
manquent d’ailleurs généralement pas de relater l’admiration des contemporains pour
ces puissantes forteresses. Ainsi, tandis que Giraud de Barri rapporte l’enthousiasme de
Philippe Auguste lors de son passage à Gisors en 1177, le récit par Guillaume le Breton
de la prise de Château Gaillard constitue également l’un des passages les plus épiques
de sa Philippide (voir chapitre 4) 308 . La forme et la taille, parce qu’elles étaient
l’expression légitime de la grandeur du prince et parce qu’elles rappelaient l’admiration
et l’obéissance qui étaient dues au prince, ont donc été des instruments de l’affirmation
de sa puissance, en ce sens qu’elles exprimaient davantage sa capacité de dissuasion que
l’usage physique de la force 309 .
Au début des années 1980, l’historiographie des châteaux a connu une sorte de
« tournant symbolique ». Robert Liddiard et Abigail Wheatley ont récemment retracé
comment l’historiographie des châteaux, fondée sur un récit militariste et utilitariste
306 GOODALL, J., « Dover castle and the great siege of 1216 », dans Château Gaillard. 19 : Études de
castellologie européenne, 2000, p. 91-102 ; PR 3 Jean, p. 284 : £18 in emendatione portarum castelli de
Dovra ; PR 5 Jean, p. 123 : £10 11s. ad eligendum mairemium ad castellum de Dovra et pro mairemio
illo prosternendo et escapelando et cariando ; PR 10 Jean p. 97 : £76 13s. 4d. pro mairemio ad castre de
Dovre et Rouecestrie claudenda et pro virgis et cleiis ; PR 12 Jean, p. 61 £34 9s. 5d. in custamento
carpentariorum operantium mairemium ad castellum de Dovre; MATHIEU PARIS, Chronica majora,
1964, III, p. 28: Clavis enim Angliae est.
307 BROWN, R. A., Dover castle, Kent, 1966.
308 GIRAUD DE BARRI dans RHF, XVIII, p 152-153 ; RIGORD et GUILLAUME LE BRETON,
Oeuvres, 1882-1885, p. 177-210 ; ROBERT-BARZMAN, E., « La conquête de la Normandie dans la
Philippide de Guillaume le Breton », dans 1204, la Normandie entre Plantagenêts et Capétiens, 2007,
p. 153-188.
309 COULSON, C. A., « Structural symbolism in medieval castle architecture », J.B.A.A., 132 (1979), p.
73-90.
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