L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
Il y a certes dans cette expression une connotation quelque peu auto-centrée qui
ne colle pas avec l’image de « dévotion » qui marque la profession infirmière. Il y a
donc sans doute un travail de légitimation à réaliser.
Le souci de soi est un moyen de connaissance, moyen essentiel au
développement de l’argumentation qui permet de défendre un positionnement.
Foucault relève ainsi dans un certain nombre de textes la présence conjointe du
« connais-toi toi-même » (gnothi seauton) et du « souci de soi » (epimeleia
heautou). Le premier, principe delphique bien connu, ne saurait suffire mais prend
plutôt un rôle de subordination par rapport au second (p.6). D’ailleurs dans
l’ouvrage Apologie de Socrate, ce dernier se présente comme étant justement celui qui
incite ses concitoyens à ne pas se négliger mais à se préoccuper de leur personne. Et
Foucault balaie ensuite l’histoire philosophique pour montrer la récurrence de ce
thème, depuis Epicure jusqu’aux Béatitudes, en passant par Sénèque et Epictète chez
les stoïciens, ou encore par Démétrius chez les cyniques.
Si cette attitude, aujourd’hui plutôt perçue comme relevant d’un certain
égocentrisme n’est que très modestement valorisée, chez les Grecs en revanche, elle
revêt un caractère essentiel. Pour les Grecs, il ne s’agit pas d’une forme de
complaisance que l’on s’accorderait, mais bien d’un travail sur soi, d’une
transformation progressive dans le but d’acquérir une plus grande sagesse sur le
monde. Il ne s’agit pas uniquement de la connaissance de soi au sens cartésien du
terme, mais bien plutôt d’une connaissance accompagnée d’une transformation de
soi (metanoia) et de sa relation au monde, qui nécessite effectivement la
connaissance profonde de sa propre personne, chemin vers la connaissance de la
vérité. Cette introspection est profondément éthique en ce sens qu’elle suppose une
remise en question du système de valeurs inculqué par l’éducation et le contexte
socio-culturel (p.93). L’individu doit pouvoir se constituer sa propre base axiologique
et la défendre, car le souci de soi implique de faire des choix et de ne pas se laisser
bercer à tous les vents de doctrines, ni se laisser influencer par des représentations
extérieures diverses et multiples. Penser le rapport à soi permet de penser son
rapport au monde et d’utiliser son temps à bon escient, avec une visée téléologique
précise. Avoir une conscience claire des buts à atteindre, permet de réfléchir aux
moyens d’y parvenir. C’est en quelque sorte une « conscience permanente de son
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