L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
Cette reconnaissance est certainement d’autant plus grande que l’évolution
sociale dans la mouvance néolibérale conduit les rapports de travail à être toujours
plus aseptisés et l’univers de travail de plus en plus impersonnel, victime lui aussi de
la désagrégation du lien sociétal (Ehrenberg, 2010) avec le climat d’incertitude et
l’inquiétude qui en découlent. Cette peur engendre d’ailleurs des réticences à
l’engagement, voire parfois une attitude qui peut s’apparenter à de la nonchalance.
Une étudiante explique cependant qu’il s’agit d’une protection pour éviter de
réfléchir à un « avenir qui déprime (E16) ». Or la motivation qui fonde
l’engagement prend non seulement sa source dans des cognitions, mais également
dans des affects que l’individu éprouve et qui vont orienter ses éventuelles actions
(Nuttin, 1985). Ce dernier a donc besoin d’un cadre qui lui permette de pouvoir
exprimer oralement les émotions ainsi que les valeurs qui leur sont liées, car comme
le dit une étudiante : « nos valeurs et nos émotions, elles sont toujours là, mais
parfois implicites et ça aide de les exprimer (E22) ». Dans ce sens nous avons pu
mettre en évidence l’impact particulièrement favorable de la verbalisation sur la
motivation et l’engagement. En effet, les personnes, et tout spécifiquement les
professionnels, qui nous ont fait part d’un engagement important, ont toutes, sans
exception, relié ce dernier à la possibilité de vivre un réel partage de leur vie
professionnelle avec leurs collègues. C’est dans la communauté et le partage que « le
vécu prend sens (T14) ». La notion de pairs revêt ici une importance sans
précédent, qui confirme également le glissement évoqué par Bobineau (2010a) d’une
« morale des Pères à une morale des pairs », comme lieu d’échange et de co-
construction professionnelle. Et, par ailleurs, le soignant doit également pouvoir
vivre son activité selon ses valeurs et ses émotions car il ne saurait s’apparenter à une
machine.
L’engagement se veut réellement à la conjonction de la source axiologique et de
la source relationnelle. En tant que dynamique comportementale orientée vers une
altérité elle-même regardée à travers le prisme de valeurs solidement ancrées,
l’engagement va pouvoir s’épanouir pour autant qu’il y ait une adéquation avec ses
valeurs. C’est à ce prix que peut se construire un sens de la vie professionnelle qui,
elle, pourra se développer au point de d’influencer l’identité professionnelle et
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