L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
sociétal lui-même. Le stress, très fréquent chez les soignants, est devenu une forme
de langage par lequel les personnes expriment leur malaise (Buscatto et al., 2008).
L’approche sociologique permet d’observer l’incidence sur la santé psychique
d’une évolution de la normativité contemporaine d’une part, ainsi que de nouvelles
formes de domination et de l’organisation du travail qui en découlent d’autre part
(Erbes-Seguin, 2004).
Le monde du travail est soumis, depuis quelques années, à de nouvelles
exigences normatives. La mise en exergue de l’individualité s’accompagne d’une
valorisation de concepts tels l’autonomie, la responsabilité et l’engagement
individuel (Otero, 2005). Les règles de conduite, formelles et informelles, qui
émanent de ces phénomènes, et qui sont autant de dispositifs exerçant un réel
pouvoir sur les individus, constituent une norme sociale incontournable. Pour autant,
l’adaptation est loin d’être simple car l’individu est placé face à des objectifs
hétérogènes, voire parfois antinomiques. Les soignants interviennent dans trois
mondes simultanés que sont le monde de la compétence et des techniques
professionnelles ; le monde subjectif, c’est-à-dire celui de la relation (en équipe et
avec les patients) ; ainsi que le monde social de l’organisation et de l’administration
(avec la gestion du travail, des stocks…). Cette tridimensionnalité permanente, dans
une double hiérarchie à la fois verticale et horizontale, et dont les composantes
obéissent à des critères spécifiques, conduit les infirmières à des postures
acrobatiques scabreuses (Dubet, 2002).
La valorisation de l’autonomie dans le processus normatif contemporain
s’accompagne d’une injonction à l’implication en vue d’une rentabilité maximale.
Selon Boltanski et Chiappelo (1999), un changement majeur s’est opéré depuis la fin
des années soixante-dix puisque cet objectif de rentabilité est dorénavant présenté
comme corrélé à l’épanouissement personnel. De fait, la décollectivisation du travail
et l’individualisation a vu le jour à la fin des années soixante-dix et poursuit à présent
deux objectifs : celui d’une « tentative d’inféodation de la subjectivité des travailleurs
à la seule cause de l’entreprise » (Clot & Lhuilier, 2010, p.120), et l’utilisation de la
pression narcissique qui pousse les individus à vouloir se dépasser et dépasser leurs
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