L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
Le déséquilibre entre les deux pôles, celui des motivations personnelles d’un
côté, et celui des contingences de la pratique de l’autre, a des conséquences en termes
d’insatisfaction et de frustration qui peuvent, à terme, mener soit à un
développement pathologique, soit à un abandon de la profession. Cela explique sans
doute, en grande partie, la faible durée d’exercice des infirmières, happées par un
système trop nocif. Les éléments sont nombreux, tant sur le plan de la sémantique
utilisée que dans les narrations mêmes des personnes, qui accusent ouvertement une
tendance croissante à la déshumanisation de l’univers hospitalier et tout
particulièrement des soins. La nouvelle gestion du système de santé et son mode
d’organisation calqué toujours davantage sur le mode de l’entreprise font de ce
domaine un reflet du modèle entrepreneurial, substituant la rentabilité à la charité et
la mécanisation à la relation. Le soignant n’est alors plus qu’un exécutant, une sorte
de marionnette, dont le seul objectif doit être de répondre aux attentes de ceux qui en
tiennent les fils et dont les logiques sont souvent peu compatibles avec les valeurs
humanistes. Plusieurs des enseignants que nous avons interrogés ont reconnu s’être
« réfugiés » dans l’enseignement pour cette raison. L’inadéquation avec leurs propres
valeurs était devenue telle que cette opportunité vers l’enseignement, dénoncée
comme une « fuite » par certains, s’est trouvée comme une issue vitale. Une
enseignante explique que c’était pour elle une question de survie et elle l’exprime
sans ambages : « c’est vrai que là (en partant), j’ai peut -être joué ma peau
(T4) ». Cette expression, qui peut paraître d’emblée quelque peu exagérée, trouve
malheureusement écho dans de très nombreux témoignages d’enseignants et
professionnels ayant effleuré ou dépassé ce seuil à partir duquel l’engagement est
devenu source de tensions internes, sur une corde vitale menaçant peu à peu de se
rompre. Si des ressources propres ne sont pas développées, la mise en sourdine des
motivations personnelles génère un malaise grandissant et la distance protectrice
n’est plus suffisante pour endiguer la menace de l’effondrement des ressources
internes. Une enseignante explique être devenue la proie du burnout pour avoir
étouffé en elle, sur une longue période, ses motivations profondes et accepté de se
soumettre à des injonctions auxquelles elle ne pouvait adhérer. On voit ce danger
poindre à l’horizon chez certains étudiants interrogés dont on perçoit déjà
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