L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

DEUXIÈME PARTIE – CADRE DE RÉFÉRENCE SPÉCIFIQUE
« Le choix de l’activité, l’engagement cognitif dans l’activité et la
persévérance dans la réalisation de l’activité, constituent des
indicateurs de l’engagement. » (Jorro & De Ketele, 2011).
Il faut arrêter de croire que l’engagement va de soi, porté par un élan
vocationnel inconditionnel. L’engagement souffre du relativisme ambiant dont il
porte les stigmates. Or, nous l’avons vu, cette hésitation à l’engagement est renforcée
également par les nouveaux modes de domination de nos institutions sur leurs
employés. Les craintes de voir ses intérêts propres sacrifiés sur l’autel de la
rentabilité conduisent la personne à une déresponsabilisation croissante.
Conséquence de ces phénomènes ainsi que de la pensée moderne, nous
acceptons de plus en plus difficilement le caractère contraignant d’un engagement,
surtout si celui-ci est formalisé d’une manière ou d’une autre. Et le fait que cette
notion soit devenue quelque peu désuète, s’explique justement par le message
contraignant qu’elle véhicule. Son étymologie, qui signifie littéralement « mettre en
gage », s’oppose à la valeur de liberté si chère à nos contemporains. S’engager, c’est
« se donner en gage, se lier », une connotation que l’on retrouve de manière très
précise dans le « sich binden » de l’allemand (se lier) ou le « to go into service » de
l’anglais (se mettre au service de) (Bobineau, 2010a, p.12). Dans ce sens l’engagement
comporte un caractère contraignant, d’autant plus rédhibitoire, s’il est formalisé.
La liberté offerte par la révocabilité est préférée au respect des obligations, alors
que Dubar affirme la nécessité pour l’engagement de se vivre concrètement au sein
d’une organisation (Dubar & Tripier, 2007). Pour Gauchet (2002), appartenir à une
communauté précise ou à un réseau précis, résulte du choix individuel, seul gage
d’un engagement authentique. Or l’auteur de souligner que l’authenticité réellement
vécue ne saurait s’accommoder vraiment du collectif. Qu’il y ait là un délitement
effectif du lien social ou une transformation des modalités d’appartenance, toujours
est-il que la manière d’être au groupe et à son travail s’est fortement modifiée.
Tel que Durkheim et Weber l’avaient annoncé, la notion de contrat est devenue
centrale dans notre société occidentale, dominant l’ensemble du fonctionnement
économique et sociétal actuel (Modak et Messant, 2005).
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