L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
une exigence rationnelle et normative, un devoir moral impératif, la compassion et la
sollicitude sont les résultats d’une altérité vécue au cœur de l’humanité. Cependant
ce soin de l’Autre, induit par la compassion désignant le fait de « souffrir avec »,
implique un préalable, à savoir le soin de soi. Foucault insiste fortement, en se
référant principalement à Platon, mais également aux différents courants
philosophiques qui se sont succédé dans la Grèce Antique, sur l’importance du souci
de soi, dont la connaissance de soi constitue une règle subordonnée essentielle
(Foucault, 2001). En effet, l’épiméleia heautou (le souci de soi) désigne l’ensemble
des introspections et transformations de soi qui permettent l’accès à la vérité,
condition indispensable à la prise d’autorité dans la vie publique (et, pour nous, dans
l’hôpital).
Cette connaissance de soi devient essentielle, tout particulièrement à cette
période de la vie où l’étudiante quitte le cocon douillet de l’école et « sort de la
main des pédagogues » pour s’orienter vers le milieu professionnel (Foucault, 2001,
p.38). À ce moment critique, surtout si elle est jeune, l’étudiante est encore très
influençable, « ouverte à tous les vents » et toutes les représentations du monde
extérieur qu’elle accepte souvent sans les examiner ni les analyser. La connaissance
de soi doit lui permettre d’être capable d’opérer une « discriminatio », c’est-à-dire
d’avoir un regard critique sur ce que le monde extérieur lui propose. Si déjà les
Anciens évoquaient ce cheminement introspectif comme un passage nécessaire, à
combien plus forte raison devons-nous le prendre en considération à notre époque et
au cœur de « l’effervescence axiologique » qui caractérise notre société moderne
(Bobineau, 2010a, p.50). Selon Bobineau, la « prolifération des valeurs,
l’ébullition des références » placent les jeunes, tout comme les professionnels dans
l’embarras et ceux-ci reconnaissent que « quand y a trop on sait plus quoi choisir
(P5) ». Une professionnelle plus âgée souligne la différence fondamentale qui
marque l’entrée des étudiantes aujourd’hui dans la profession infirmière en
comparaison avec ses débuts à elle, en précisant que ce sont à présent les jeunes qui
doivent, eux-mêmes, remplir leur propre panier de valeurs. Celui-ci ne leur est plus
livré en l’état de par la seule appartenance à la communauté (P9). Le risque de ce
foisonnement de références non hiérarchisées est alors que le jeune en formation
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