L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
nombreuses sollicitations auxquelles il est exposé, doublées des rôles sociaux
multiples auxquels il est assigné et qui provoquent une « fragmentation du
soi ». Cette fragmentation, à son tour, génère de multiples troubles
psychologiques. Nous avons pu lire moult écrits concernant l’épuisement
professionnel dans les milieux de soins (Belorgey, 2010 ; Danet, 2008 ; De
Gaulejac, 2011), mais nous sommes néanmoins très préoccupée par les récits de
nos interlocuteurs, certains ayant vécu eux-mêmes un burnout, ou se
considérant comme jouxtant les limites pathologiques de l’épuisement, avec
toute la panoplie des symptômes qui lui sont liés. Le mal-être, voire parfois la
souffrance émanant de ces discussions nous ont interpellée. Au travers de leurs
discours, les professionnels nous ont ouvert une porte sur la vision inquiétante
des ravages causés par un épuisement de plus en plus fréquent dans l’univers
hospitalier, tandis que certains n’hésitent pas à parler d’une « explosivité de
burnouts (E5) ».
Alors que les responsabilités ne cessent d’augmenter, les professionnels se
trouvent aux prises avec un mouvement paradoxal d’une autonomie toujours plus
instrumentalisée et qui se veut presque une contre-rhétorique de l’autonomie. La
faible marge de manœuvre, cumulée aux contingences institutionnelles et à la
difficulté de l’exercice professionnel évoquées précédemment, conduit les soignants
dans une situation d’impasse qui ne saurait manquer d’avoir des répercussions sur
l’engagement.
Pour contrevenir à cette problématique, certains professionnels avouent
ouvertement devoir frauder. La fraude représente, pour le psychanalyste Dejours
(2008), un principe de défense ou un moyen de survie pour l’individu. Elle est
considérée par Malherbe comme une « transgression par sagacité » (2007, p.92),
cherchant à se dérober à un mal plus grand après une évaluation des risques, en
particulier sous un angle éthique. Ainsi certains soignants avouent mentir sur le
degré d’autonomie d’un patient pour ne pas voir la dotation en personnel diminuée
les jours suivants, d’autres s’accordent de temps en temps un jour de repos sous
forme d’absence, quand d’autres encore s’octroient des droits qui ne leur
appartiennent pas mais qui leur permettent de continuer à faire un travail de qualité,
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