L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
maintenir pleinement l’investissement personnel (Martucelli, 2005) sous couvert
d’une gestion prétendument participative. Cette domination ne joue pas sur
l’assujettissement mais sur le principe de responsabilisation qui engage l’implication
de l’individu, devenu acteur responsable de tout ce qu’il entreprend, et également de
la manière dont il vit cela. La domination utilise différents outils tels que l’injonction,
par exemple. Celle-ci s’appuie sur des prescriptions et invite l’individu à une
obéissance doublée d’un esprit critique et réflexif, en vue de sa propre amélioration
(Martucelli, 2004). L’autonomie, la responsabilisation, la flexibilité… ne sont alors
que des moyens pour répondre à cette injonction constante de dépassement de soi et
de performance dont les limites ne sont jamais clairement définies, si ce n’est dans le
lieu même de la subjectivité. Cette absence de limites contribue à nourrir un idéal,
mais un idéal flou d’une performance toujours supérieure et qui conduit à ce que
Loriol nomme « l’idéalisation des résultats escomptés de son travail » (2000),
idéal dont l’inaccessibilité est parfois lourde de conséquences en termes de santé
mentale.
Martucelli (2004) cite ensuite la dévolution au même titre que l’injonction
comme mode de domination. Celle-ci reposerait sur une « implosion du sujet »
devant l’écart impossible à franchir entre les contraintes imposées et l’injonction à
devenir sujet pleinement responsable. De type conséquentialiste, la dévolution place
l’individu face aux conséquences de ses actes dont il est entièrement responsable et
qui constitue le seul critère retenu pour juger de l’efficacité de son action. Selon ce
postulat, on demande à l’acteur de trouver les moyens de s’adapter aux contraintes et
aux exigences du monde du travail, ce qui génère une individualisation des
problèmes de santé mentale. Ce faisant, l’organisation et ses possibles défaillances,
de même que les conditions de travail éventuellement pathogènes ne sont pas
remises en cause (Loriol, 2003). Le stress des soignants est ainsi considéré comme un
problème individuel et non institutionnel (Chanlat, 2003). Cette psychologisation du
stress tend à masquer des causes plus collectives, liées aux modes de management et
d’organisation par exemple (Clot, 2010), et n’interpelle pas la construction sociale des
formes de domination.
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