L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
le soir, j’avais même plus envie de rentrer à la maison, quoi… (E14) ». La
même personne reconnaît être restée auprès d’un patient toute une nuit, alors qu’elle
n’était pas de service, mais pour pouvoir être là lors de son décès. C’est un
engagement très fort, mais qui peut être préjudiciable pour la personne qui s’investit
ainsi émotionnellement. Outre le fait que cet investissement peut être douloureux
pour le soignant lui-même (E2, E19, T5), il peut également avoir des répercussions
négatives du point de vue du patient, la prise en charge n’étant plus directement
professionnelle. Par exemple, le fait de ne pas pouvoir atteindre le but voulu avec un
patient, guérison, sevrage, par exemple, peut être un facteur d’épuisement pour le
soignant s’il ne place pas de limite à cette idée inconsciente de toute-puissance ou de
culpabilité (T9, P1). On peut d’ailleurs relever certaines remarques à l’effet qu’un sur-
engagement de certains soignants n’est pas toujours bien vécu par leurs collègues,
soulevant chez eux des sentiments de culpabilité (E7) : « Quand tu te mets pas de
limites, t’en accordes pas aux autres non plus (T9) », et l’impression d’un
manque de confiance (P3), quand ce n’est pas le retard dans le reste des soins (E13),
ou bien encore l’agressivité des soignants investis, qui est à gérer (E3).
Ce sont parfois des phénomènes psychologiques, souvent inconscients, qui
conduisent les soignants à oublier la distance professionnelle. Il y a sans doute des
moments de projection, d’identification, de rappels d’une histoire de vie qui rendent
la distance difficile à garder (E2, E17, E19) : « …il y a aussi des patients qui nous
touchent plus que d’autres enfin… moi en home j’ai remarqué, il y avait une
patiente, c’était presque un copier-coller de ma grand-maman et là, des fois,
enfin c’est pas que je confondais les deux, mais il y a quand même quelque
chose… (E17) ».
Cette empathie, assimilée parfois à de la projection, peut d’ailleurs conduire à
dépasser son rôle sur le plan de l’activité (E2) et une professionnelle explique que,
pour elle, une limite absolue à un engagement trop important serait d’avoir la
tentation d’enfreindre la loi, par exemple en pratiquant l’euthanasie active pour
soulager un patient (P11).
Mais, parallèlement à l’engagement émotionnel, c’est aussi l’engagement
temporel qui constitue une des limites majeures évoquées par les personnes
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