L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
exigeant, qu’en ayant en face de lui une personne détendue et à son écoute. C’est
ensuite un processus en spirale. Un patient très exigeant, peu amène, génère chez le
soignant épuisé une nervosité supplémentaire, qui peut alors rapidement se muer en
une attitude proche de la maltraitance.
Mais le praticien explique également l’impact des nouveaux modes de
management sur le genre de patients hospitalisés dans le service. En effet, des
patients, qui ne devraient pas s’y trouver, y séjournent parfois plusieurs semaines,
simplement pour « occuper des lits ». Il en va ainsi, par exemple, de patients internés
en psychiatrie et transférés, normalement, sur une très courte durée en service
« normal » pour un traitement spécifique. Ceux-ci y séjournent parfois sur une
longue période alors que le service n’est pas adapté pour ce genre de patients, les
soignants y sont peu habitués et la charge de travail quotidienne n’est pas diminuée
pour autant. Ces cas d’hospitalisation prolongée sont alors vécus très difficilement
par les soignants qui se considèrent comme de simples « pions sur l’échiquier »,
un échiquier où la « logique comptable a pris le pas sur l’humain ». Ce soignant
cite aussi un autre aspect révélateur de cette logique comptable, en expliquant
l’impossibilité récente d’obtenir des médicaments effervescents pour les patients
nécessitant du calcium. Qui connaît ces comprimés sait qu’ils sont très gros,
quasiment incassables et ne peuvent que très difficilement être ingérés par les
personnes âgées, par ailleurs très nombreuses à en avoir besoin. Mais les priorités
institutionnelles sont claires. L’économie réalisée en diminuant la consommation de
médicaments effervescents, pèse plus lourd dans la balance que le bienfait accordé
par ces mêmes remèdes aux patients.
L’infirmier interviewé vit ce contexte de travail et les changements dans la
profession avec d’autant plus de regrets et d’amertume qu’il est conscient de sa
responsabilité : « la personne soignée, quand elle est malade, vous remet toute
sa dignité entre vos mains… toute sa vie intime… ». Le sentiment d’échouer
dans la pleine mesure de sa responsabilité conduit à un fort sentiment de culpabilité.
Culpabilité de bafouer des valeurs essentielles dans le soin et culpabilité de ne pas
réaliser un travail de qualité. Dans la réalité, les responsabilités des soignants sont
toujours plus importantes, ne serait-ce que par le fait du nombre grandissant
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