L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
d’internes au détriment de médecins qualifiés, dont le coût est, bien entendu,
nettement plus élevé. Cette configuration médicale induit également d’importantes
situations de stress, comme l’explique notre interlocuteur. En effet, les internes, qui,
de leur côté, manquent de soutien et d’encadrement, sont souvent dépassés par les
situations rencontrées et ne répondent alors plus aux appels des soignants. Ceux-ci
peuvent parfois rester plusieurs heures sans réponse, alors qu’ils sont au chevet du
patient et vivent au plus près sa douleur et son incompréhension. Situation d’autant
plus inconfortable et révoltante que, comme l’explique le praticien, « moi en tant
qu’infirmier je sais ce qu’il faut faire, ce qu’il faut lui donner, je le sais mais
puisque c’est pas prescrit, je peux pas le faire , donc j’attends le médecin ».
Face à cet état de fait, c’est une perte de sens qui se fait jour dans la motivation
première du soignant à l’exercice de sa profession. Le danger est alors très menaçant
de voir l’engagement réduit à une peau de chagrin. Dépourvu du sens, élément clé
de l’agir humain, le soignant se voit alors dépourvu de sa caractéristique humaine au
profit d’un rôle d’exécutant sans âme, à la manière du robot : « j’ai l’impression
d’être un robot, on est des exécutants… j’ai pas besoin de réfléchir, de toute
façon si je réfléchis, ce sera la même chose au final , donc il y a pas besoin de
se fatiguer à réfléchir ».
Seule lueur d’espoir dans cette perspective de travail mécaniste, l’atout que
constitue la formation. Notre interlocuteur a récemment réalisé sa formation de
praticien formateur et explique comment celle-ci lui a été bénéfique, en particulier
pour l’aider à sortir de la routine, à prendre de la distance et à mettre en place des
projets qui puissent donner un nouveau sens à son action en redynamisant un
engagement premier très fort envers cette profession.
En effet, on mesure l’ampleur de cet engagement professionnel lorsque le
praticien nous explique que le fait d’avoir « épousé » cette profession constitue déjà
en soi un acte d’engagement. On peut y voir un parallèle avec une sorte de contrat de
mariage. Et la définition accordée à l’engagement se situe dans la même idée,
puisque celui-ci correspondrait à un don de soi, exercé à partir d’une volonté libre,
comme une prise de risque volontaire en fonction d’un but précis. Dans les soins
infirmiers, l’engagement n’est pas orienté uniquement vers le patient mais également
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