L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
courante, dans certaines institutions, d’accorder des primes au mérite ou des
gratifications particulières.
Ces difficultés ne restent toutefois pas au niveau de l’équipe. Dans une
profession qui nécessite un travail collectif très important, des tensions qui nuisent à
cette solidarité peuvent également se répercuter sur la qualité des soins au patient
(E11).
L’engagement dans l’équipe est un phénomène complexe, car il est à la fois
engagement dans une histoire commune et individuelle. Parfois intégré au groupe, le
soignant se trouve, à d’autres moments, aux prises avec une grande solitude :
« …bien sûr on agit en équipe dans le sens où on prend les décisions en
équipe, mais après quand on va au chevet du patient, on est tout seul… (E2) ».
Et cette solitude est vécue d’autant plus mal que la peur de l’erreur grandit. Pris en
étau entre l’accroissement de la charge de travail d’un côté, et l’invitation à une plus
grande prise de responsabilité de l’autre, le professionnel vit dans l’ombre d’une
peur qui est celle de commettre l’erreur potentiellement fatale, comme nous l’avons
déjà vu : « … Les gens ont peur maintenant de faire faux… ils ont peur de la
faute, ils ont peur qu’on leur reproche quelque chose. Donc ils vont jamais
dépasser les limites de leur propre fonction et chacun veut, quand il a un
souci, reporter la responsabilité sur l’autre… et là on arrive sur un terrain
dangereux où chacun vraiment tire la corde vers soi. Et il n’y a pas cette
dynamique de tirer ensemble sur la corde (P2) ».
L’engagement est ici mis à l’épreuve par les conditions d’exercice, mais aussi
par un phénomène d’individualisme devenu plus que jamais une des valeurs
dominantes des sociétés industrielles : « …on est en paradoxe avec ces
changements psycho-sociétaux où on tend vers l’individualité quand même, et
puis ça je pense que c’est ça qui pose problème (T13) ».
Heureusement, même si cette manifestation d’individualisme tend à s’accroître,
la solidarité reste un élément central de l’exercice des soignants et ils semblent bien
conscients de son importance. Un professionnel prend l’exemple du foot pour
expliquer que la dynamique d’équipe est semblable. Si l’un ne se sent pas bien, ce
370