L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
revendications. Le passage du rapport oral au rapport informatisé marque bien la
volonté de séparer les individus, en leur laissant croire que cette communication
virtuelle va pouvoir remplacer une communication réelle.
Bien souvent, lorsque l’épuisement est trop intense, les professionnels
choisissent alors de quitter le bateau. C’est une conséquence qui amène aussi son lot
de problèmes dans des services où le roulement de personnel est parfois considérable.
Il implique l’introduction de nouveaux collaborateurs à des rythmes très soutenus,
occasionnant par là-même une surcharge de travail. Le personnel de ces unités,
souvent très jeune et peu expérimenté, vit alors une grande solitude et parfois une
véritable angoisse à l’idée de l’erreur possible face à ce manque de soutien.
Même si la hiérarchie directe s’avère compréhensive, elle ne peut apporter
qu’un soutien très limité, dans la mesure où elle subit, elle aussi, des pressions
importantes de la part de ses supérieurs. De ce fait, elle est parfois perçue comme
instrumentée par sa direction, alors qu’elle tente de garder l’équilibre dans sa
position scabreuse, entre des supérieurs aux exigences importantes et une équipe
soumise à une souffrance lancinante. Du plus important au plus insignifiant, chacun,
dans l’institution, est invité à donner le meilleur de lui-même pour améliorer la
productivité. Mais ce processus se développe en faisant fi de la personne humaine
qui est à la fois le donneur et le receveur du soin. Et divers témoignages choquants
démontrent l’importance majeure accordée à la rentabilité au détriment de l’humain.
Les personnes que nous avons interrogées se déclarent bien engagées et le plus
souvent engagées avec leur motivation, tout en reconnaissant que le système permet
de moins en moins d’agir selon leurs valeurs. Certains sont conscients d’être
directement menacés par la perte de sens évoquée dans notre schéma. En revanche,
chaque personne a également pu citer une ou plusieurs collègues moins engagées,
cherchant parfois à faire le minimum. Il s’agissait de personnes stigmatisées pour
leur indifférence et leur manque d’empathie à l’égard des patients.
Il est intéressant de noter que les avis concernant la question sur l’opposition
entre indifférence et engagement sont partagés, certaines personnes se refusant à voir
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