L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

DEUXIÈME PARTIE – CADRE DE RÉFÉRENCE SPÉCIFIQUE
d’« inflation réflexive », ne doit pas se confondre avec un scepticisme outrancier, ni
devenir prescriptif ou idéologique. Le rationalisme instrumental tend à faire de la
réflexivité une injonction visant l’efficience, l’efficacité et la productivité accrues
(Demailly, 2008). Ce faisant, le risque est grand de faire peser sur l’individu la
responsabilité de ce qui dysfonctionne, et de transformer le processus d’auto-
évaluation en processus d’auto-sanction. En restant dans des boucles fermées telles
que peuvent l’être certaines démarches de réflexivité, l’individu est appelé à se
remettre en question, mais ceci dans un circuit relativement fermé où tout
changement, et donc toute réussite ou échec, dépendent finalement de lui.
Ces démarches constituent une entrave évidente à l’engagement. La réflexivité
doit bien plus s’entendre au sens d’un jugement prudentiel comme Aristote l’entend,
c’est-à-dire un jugement ouvert sur les possibles, qui tâtonne, se cherche et réfléchit
en prenant en compte tous les facteurs qui contribuent à faire de la situation ce
qu’elle est. Cette réflexion, si elle s’éloigne un temps du sujet propre qui la produit,
pour faire dialoguer l’ensemble des éléments qui caractérisent la situation, permet
ainsi de se détacher de soi et de ses limites pour s’ouvrir à des influences extérieures,
et en particulier, à la recherche de ressources externes. Elle permet de joindre les
deux processus, celui de l’individuation qui conduit à une autonomie et une
responsabilité plus importantes, et celui de la socialisation qui conduit à la
construction et à la consolidation du lien social en vue de l’action collective.
En résumé, le but de la réflexion est de deux ordres. D’une part, ces processus
se révèlent une aide précieuse pour les infirmières dans l’identification des
conditions de travail qui stimulent leur motivation et donnent une cohérence à leur
activité. Et, d’autre part, ils ouvrent par là-même la porte au changement, permettant
aux infirmières d’apporter des modifications à leur situation pour maintenir un sens,
et éviter la fatigue et l’épuisement. Les ressources internes peuvent ainsi être
engagées de façon très active et adaptée, constituant un levier possible pour modifier
l’environnement ou l’emprise sur celui-ci (Vinje & Mittelmark, 2006).
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