L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

PREMIÈRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE
profession et jusque dans sa simple présence à ses semblables. Tenir compte de ces
différents niveaux constitue un réel défi. C’est lorsque ce souci de soi n’est plus
possible, lorsque la personne est amenée à fonctionner à la manière d’un automate,
que vont naître chez elle des sentiments de frustration et de malaise.
Après avoir examiné ces divers éléments de réflexion, il nous semble pertinent
de dire, à l’instar de Bouvet & Sauvaige (2005), que le malaise vécu par les étudiants
et les jeunes diplômés revêt bien une dimension essentiellement éthique.
3.6 Au-delà de l’éthique, la question de l’identité
Toutes les constatations sur les conditions d’exercice des infirmières que nous
avons relevées mettent en évidence l’enjeu éthique qui est au cœur de cette pratique
infirmière quotidienne. Le soignant se trouve pris dans un champ de tensions entre
deux fondements éthiques qui orientent, aujourd’hui peut-être plus que jamais, notre
société. D’un côté, les philosophies prônant le bonheur et la félicité mettent en avant
le « bien de l’homme », tel Aristote dans l’Éthique à Nicomaque. De l’autre côté, les
philosophes axés sur le devoir et la raison, tel Kant, mettent davantage l’accent sur
les exigences professionnelles. La notion d’autonomie, aujourd’hui très prisée, est
d’ailleurs souvent comprise différemment selon ces deux perspectives
philosophiques. Très importante pour les kantiens, elle l’est beaucoup moins pour les
premiers. Il peut donc y avoir un réel conflit si les deux versants éthiques ne se
rejoignent pas. Ces deux positions ontologiques très différentes cristallisent les
débats actuels sur l’identité infirmière. Alors que les infirmières désirent avant tout
agir selon une philosophie du Bien, on attend de plus en plus d’elles qu’elles agissent
selon une philosophie du devoir et de la responsabilité. Ici surgit l’opposition entre
déontologie et téléologie.
Et si Bouvet & Sauvaige (2005) concluent que l’écart entre l’idéal théorique des
soins et cette difficulté de prise en charge dans la réalité constituent une mise en
danger de l’identité même de l’infirmière, il paraît évident que cette identité est
essentielle. En effet, c’est elle qui permet au soignant d’exercer sa responsabilité et
son jugement professionnel, même si cette prise d’autonomie qui l’accompagne est
parfois génératrice d’angoisse. Face aux conditions de travail toujours plus difficiles,
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