L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
l’isolement social lié à la surcharge de travail et les prémisses d’un mal-être profond.
À ces phénomènes extrêmes de stress s’ajoutent tout l’éventail des troubles
psychosomatiques plus diffus et plus délicats à attribuer directement au stress. Ils
nous sont pourtant fréquemment mentionnés et, pour ceux qui en sont victimes, le
lien de causalité à la tension vécue sur le plan professionnel ne fait aucun doute. Ce
sont pratiquement tous les systèmes physiologiques qui nous ont été cités comme
subissant les conséquences de ces tensions : troubles musculo-squelettiques,
céphalées, irritabilité et instabilité émotionnelle, angoisses, problèmes gastro-
intestinaux, troubles du sommeil… Une étudiante résume ces faits en parlant des
infirmières qui « se tuent à la tâche (E18) ». Si le travail des soignants n’a jamais
eu la prétention d’être une sinecure ; confrontation à la déchéance, à la maladie et à
la souffrance oblige, il connaît depuis quelques années une dégradation inquiétante.
À la pénibilité physique et psychique déjà importante au quotidien, viennent
s’ajouter de nouvelles contraintes administratives, une augmentation des
responsabilités, des injonctions à la flexibilité, à la rapidité et, le tout, en offrant une
qualité toujours supérieure avec des dotations toujours plus restreintes. Dans
certaines institutions, les primes au mérite ont été introduites avec des critères
d’obtention qui ne sont d’ailleurs pas toujours très clairs. À travers cela, c’est le
collectif qui est visé. Si l’idéologie consensuelle du « management participatif » est
plébiscitée, il n’en est pas moins reproché aux professionnels de manquer à leur tâche
personnelle et d’usurper un temps précieux pour des échanges secondaires ; le
collectif est invité à se concentrer sur l’action et à l’exercer avec un maximum de
dextérité et de rapidité. Certains semblent soumettre leur engagement à ces
injonctions, peut-être dans le but de faire taire les dissonances cognitives auxquelles
ils doivent faire face (Nuttin, 2000). Ce faisant, c’est toute la richesse de la relation,
tant entre collègues qu’avec le patient, qui est minée, voire parfois littéralement
engloutie. Certains professionnels expriment, avec désarroi et découragement, la
solitude à laquelle ils font face toujours plus souvent. Par l’intensité de la charge de
travail, ainsi que par la réduction de l’espace accordé au collectif, les gestionnaires
endiguent les velléités des soignants de s’unir pour s’organiser dans leurs
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