L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
pouvoir redonner leur place à ces savoirs, pour autant qu’elle s’ouvre aux grandes
questions de l’Être.
Cette méthode pédagogique répond aux exigences exposées par Jorro (2010),
lorsqu’elle développe l’idée d’un éthos nécessaire au développement professionnel et
mentionne la présence de grands processus simultanés qui rendent ce
développement possible. La pratique réflexive permet en effet de répondre à trois
processus essentiels : elle favorise d’abord le processus d’anticipation vers l’univers
professionnel, puis le processus d’engagement qui se doit, toujours selon Jorro, d’être
effectivement initié dès le début de la formation, et enfin elle permet au processus
d’incorporation d’être mis en œuvre par l’intégration et la mobilisation des différents
savoirs scientifiques. Très complète puisqu’englobant ces trois dimensions, la
pratique réflexive permet donc la transformation de l’acteur en lien avec l’action, la
construction de sens et l’ancrage sur la conceptualisation.
Et Clot (2008, p.100) insiste sur l’importance des échanges collectifs aussi
comme moyen de lutte pour que les soignants puissent conserver leur santé. Selon
lui, « en cherchant à faire parler le métier grâce à la restauration de débats
d’école, de controverses, et de dialogues entre professionnels, nous
réussissons parfois à transformer l’expérience mal vécue en moyen de vivre
d’autres expériences ». Il s’agit de faire des expériences passées, des leviers
permettant de transformer le futur.
Le principal risque est finalement de tomber dans le piège d’une valorisation
excessive de l’activité au détriment de la pensée. Et nous reprendrons là l’opposition
wébérienne pour souligner la nécessité de partir d’une réflexion et de
comportements qui soient, certes, orientés vers une finalité, un but concret
(Zweckrationalität), mais également orientés vers la dimension plus globale de
l’humanité et des valeurs qui s’y rapportent et donnent sens à son existence et à son
devenir (Wertrationalität) (Boudon, 1999).
Sans cette réflexion plus générale et une remise en question s’exerçant par le
jugement au sens philosophique du terme, la « paresse de l’esprit » peut conduire
à oublier que la pratique s’ancre dans un univers plus large de la relation humaine
qui porte en elle le sens de toute action. Il ne s’agit pas d’opposer la connaissance
520