L'engagement dans les soins infirmiers - Université de Rouen

QUATRIÈME PARTIE – RÉSULTATS ET ANALYSES
que celle-ci est décidée en faveur de critères économiques et non pas en fonction de
l’état du patient. De ce fait, les valeurs du professionnel sont bafouées et il se sent
discrédité dans son rôle et ses compétences, comme il l’exprime en disant qu’il
connaît l’état du patient et sait ce qui serait bon pour lui, mais ne peut rien
entreprendre sans prescription. C’est par ailleurs aussi le principe de non-
malfaisance de la charte éthique des soignants qui est mise à mal et le praticien
d’utiliser un langage assez rude pour décrire l’acte, à la mesure de celui-ci : « Si on
doit sortir un patient, nous on sait que ce patient… n’est pas prêt à sortir, mais
puisqu’il faut libérer le lit, en fait nous ce patient on l’enlève et il rentre ». On notera la
chosification opérée de l’être humain qui n’est plus qu’une marchandise que l’on
peut « sortir » ou « enlever », et l’on sent poindre la révolte chez ce soignant.
Face à cette frustration, l’équipe joue un rôle décisif, en particulier de par le fait
qu’elle permet de ventiler et d’échanger. Mais les doléances ne vont pas plus haut
dans la hiérarchie, l’expérience ayant montré que cela ne sert à rien. Et ce praticien
d’expliquer que les choses ont changé, en particulier dans l’organisation
institutionnelle. Auparavant les responsabilités étaient clairement définies et l’on
savait où s’adresser. La chef de service (ICUS) avait un certain pouvoir et relayait
volontiers les demandes qui étaient ensuite examinées en haut-lieu. Mais à présent,
avec les nouveaux modes de gestion, les responsabilités sont réparties entre de
multiples pôles d’activités et personne ne se sent plus vraiment responsable pour
quoi que ce soit. L’autonomie des chefs de service a diminué et ceux-ci subissent
également des pressions, tout comme le corps médical d’ailleurs, qui rendent leur
position particulièrement inconfortable. Cette position pivot ambivalente est sans
doute la cause d’au moins un burnout d’une ICUS, sur les deux recensés dans ce
même service durant les derniers six mois. L’organisation du travail a donc des
répercussions directes sur la motivation qu’elle anéantit. De plus, l’augmentation de
la charge de travail représente également un poids grandissant sur des équipes déjà
fatiguées. Il s’ensuit des désaccords d’ordre relationnel, parce que chacun est aux
limites de ses forces. Ces désaccords, à nouveau, sapent le peu de motivation restante.
Quant aux patients, ils ne sont pas dupes et chaque soignant sait qu’un patient qui
ressent le stress du soignant aura tendance à être beaucoup plus demandeur et
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