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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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« À la réflexion, concluait Thibaudet, j’ajoute un quatrième nom, un quatrième<br />

interlocuteur de ce dialogue c<strong>en</strong>tral : Chateaubriand. Chateaubriand répond à Voltaire<br />

comme Voltaire à Pascal et Pascal à Montaigne. » Et pourquoi n’ajouterai-je pas<br />

Proust ? Montaigne-Pascal-Voltaire-Chateaubriand-Proust… Comme un seul homme, le<br />

poète éternel.<br />

La littérature est une maison : « J’ai le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’habiter une littérature qui vit<br />

sous la loi du plusieurs, ou du couple. Une loi qui fonctionne dans l’ordre du temps,<br />

puisque, d’un siècle à l’autre, des génies antithétiques, ou symétriques, se répond<strong>en</strong>t, où<br />

s’oppos<strong>en</strong>t, ou se complèt<strong>en</strong>t, form<strong>en</strong>t une durée réelle. Mais aussi une loi qui<br />

fonctionne dans l’espace, dans le simultané. » Et ce pluralisme, Thibaudet le fait<br />

remonter à Montaigne, comme Gide, ou comme Charles Du Bos qui disait dans les<br />

mêmes années : « C’est Montaigne qu’il me faut, et c’est lui que je dois repr<strong>en</strong>dre : il<br />

est sans doute, et je devrais dire sûrem<strong>en</strong>t, le plus grand Europé<strong>en</strong> de la littérature<br />

française 8 . » Gide, Du Bos, Thibaudet promeuv<strong>en</strong>t alors Montaigne comme l’Europé<strong>en</strong>.<br />

Au s<strong>en</strong>s de la tolérance et de la liberté, du pluralisme et du mobilisme, de l’esprit<br />

critique. C’est cet œcuménisme qui devait idéalem<strong>en</strong>t présider au forum europé<strong>en</strong> de<br />

l’<strong>en</strong>tre-deux-guerres.<br />

Ambiguïtés de l’Europe littéraire<br />

Une note de prud<strong>en</strong>ce s’impose pourtant. Si on veut se servir de la littérature pour<br />

fonder une id<strong>en</strong>tité europé<strong>en</strong>ne, il faut aussi méditer sur son usage et son abus <strong>en</strong>tre les<br />

deux guerres, quand on a cru qu’elle pouvait donner un motif de rédemption<br />

europé<strong>en</strong>ne.<br />

Jacques Rivière plaidait pour la réconciliation des intellectuels europé<strong>en</strong>s dans le<br />

numéro de reprise de la NRF <strong>en</strong> juin 1919, s’opposant au manifeste nationaliste du<br />

« Parti de l’intellig<strong>en</strong>ce », lancé dans Le Figaro par H<strong>en</strong>ri Massis, proche de l’Action<br />

française. Le directeur de la NRF se déclarait favorable au rapprochem<strong>en</strong>t francoallemand<br />

et à une Europe de la culture, à une Europe littéraire. C’est pourquoi<br />

Thibaudet l’appellera « L’Europé<strong>en</strong> » dans le numéro d’hommage de la NRF <strong>en</strong> 1925,<br />

après sa mort.<br />

8 Du Bos donne des « Extraits d’un journal » au 7 e numéro des Chroniques <strong>en</strong> 1929, p. 73-126.<br />

8

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