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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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Le miroir brisé: sur le Nouveau Roman<br />

Claude SCHOPP<br />

Université de Versailles<br />

Certes, on ne peut att<strong>en</strong>dre qu’une chose de moi, que je parle pour la c<strong>en</strong>tième fois<br />

d’Alexandre Dumas puisque je porte <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce l’étiquette de spécialiste de cet<br />

écrivain. Mais, pour cette fois, la fantaisie m’a pris de me déplacer, de changer de siècle<br />

et de point de vue. J’ai jeté, après quelques réflexions assez superficielles, je l’avoue,<br />

mon dévolu sur le Nouveau Roman. La raison <strong>en</strong> était simple : le Nouveau Roman a été<br />

pour les Français de ma génération leur unique «bataille d’Hernani», c’est-à-dire un<br />

phénomène littéraire qui a marqué une rupture, une sorte de révolution. À l’heure où les<br />

figures marquantes de cette révolution ont presque tous disparu (seul Robbe-Grillet<br />

survit), j’ai voulu, dans une succincte autobiographie du lecteur que j’ai été,<br />

m’expliquer à moi-même pourquoi j’ai d’emblée accepté d’être de la troupe qui a<br />

sout<strong>en</strong>u, <strong>en</strong> lisant ce mouvem<strong>en</strong>t, par le seul fait de lire les œuvres qu’il produisait. Et<br />

pourtant ri<strong>en</strong> ne me prédestinait à faire partie de la piétaille de l’avant-garde, car je suis<br />

issu de la paysannerie, pour laquelle le livre était une rareté. La frénésie de lecture qui<br />

s’est emparée de moi très tôt avait sans doute pour mobile le désir inconsci<strong>en</strong>t de<br />

m’émanciper des valeurs de cette c<strong>las</strong>se d’origine pour <strong>en</strong> rejoindre une autre, policée et<br />

lettrée, imaginais-je <strong>en</strong> la fantasmant. Aussi, lorsque je lisais un roman ou un texte<br />

théorique de ceux que l’on rangeait sous l’appellation de Nouveau Roman, de Robbe-<br />

Grillet, de Michel Butor, de Nathalie Sarraute, de Robert Pinguet, de Claude Ollier,<br />

avais-je la délicieuse s<strong>en</strong>sation, non seulem<strong>en</strong>t d’avoir rejoint la c<strong>las</strong>se des lettrés, mais<br />

<strong>en</strong>core de l’avoir dépassée, puisque le plus souv<strong>en</strong>t elle les rejetait.<br />

Il y avait de la posture, voire de l’imposture, dans cette attitude de jeunesse : <strong>en</strong><br />

effet, habitué aux narrations plus ou moins canoniques, j’<strong>en</strong>trais le plus souv<strong>en</strong>t avec<br />

peine dans ces récits conçus contre ces dernières. Je me suis souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>nuyés, je dois<br />

l’avouer, avant de maîtriser plus ou moins cette nouvelle approche de la lecture, mais<br />

cet effort – car c’<strong>en</strong> était un – trouvait sa récomp<strong>en</strong>se : outre qu’il me conférait cette<br />

« distinction sociale » dont je parlais, il me permettait de pénétrer dans des œuvres que,<br />

aujourd’hui <strong>en</strong>core, je considère comme des œuvres majeures du siècle dernier, celles<br />

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