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texto y sociedad en las letras francesas y francófonas

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lieux] qui avec t<strong>en</strong>dresse a dû revêtir la morte de sa robe du soir gris perle tissée de fils<br />

d’arg<strong>en</strong>t » 56 écrivait Marie Chaix. « Elle ressemble à une pauvre petite poupée. J’ai<br />

remis à l’infirmière la chemise de nuit dans laquelle elle voulait être <strong>en</strong>terrée, blanche à<br />

d<strong>en</strong>telle » 57 écrivait Annie Ernaux. Refermer de la sorte le couvercle du piano pour ne<br />

plus <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la voix de celle qui n’existera plus car elle ne pourra plus être caressée,<br />

« Exister, c’est être caressé, touché » 58 nous dit Ernaux. Refermer alors le couvercle sur<br />

le cercueil de l’être qui les fit naître, et les laisser sombrer dans la nuit qui les accueille.<br />

Et refermer ainsi délicatem<strong>en</strong>t le cercle narratif de l’écriture, pour un temps, car il ne<br />

cessera pas d’exister et de recomm<strong>en</strong>cer à dev<strong>en</strong>ir texte, mourant de ses <strong>en</strong>vies<br />

d’exister, caressé par les doigts de celles qui écrivains à l’œuvre combleront le vide de<br />

l’abs<strong>en</strong>ce.<br />

Une écriture du ‘fusionnel’ 59<br />

Dans son troisième roman, L’âge du t<strong>en</strong>dre, Marie Chaix nous prés<strong>en</strong>te une<br />

narratrice qui refait le chemin de son <strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> r<strong>en</strong>ouant avec celle qui lui a donné<br />

la vie, sa belle porteuse, sa mère. Le cercle narratif de ce roman se referme sur un<br />

nouvel <strong>en</strong>fantem<strong>en</strong>t celui de la narratrice qui, à son tour, va dev<strong>en</strong>ir mère.<br />

Le premier <strong>en</strong>fant est celui v<strong>en</strong>u se loger à l’ombre de moi, lorsque porteuse à mon<br />

tour je devins [...] Nous avons comm<strong>en</strong>cé à nous s<strong>en</strong>tir à l’étroit dans la même<br />

peau. Toi, tu ne demandais ri<strong>en</strong> sinon l’éternité [...] Vint le jour, ils dis<strong>en</strong>t de la<br />

délivrance. Nous nous dédoublâmes. Tu as crié, c’est ainsi que ces choses se<br />

pass<strong>en</strong>t. Je sais que tu as eu très peur [...] C’est la peur, mon amour, qui m’assaillit,<br />

peur sans nom devant cette vie tombée de moi comme une grande goutte de sang,<br />

une vie, la ti<strong>en</strong>ne à prés<strong>en</strong>t, détachée de son fil [...] Peur, car <strong>en</strong> même temps que la<br />

vie, je t’ai donné la mort. Tandis que je ferme ma porte sur une nouvelle solitude,<br />

je te regarde crier, te tordre et découvrir, toi aussi, que tu es seul. Le chemin qui<br />

calmera ta peur est celui qui te ramènera jusqu’à moi. Pour un temps 60 .<br />

Marie Chaix terminait ainsi, <strong>en</strong> 1979, sa recherche id<strong>en</strong>titaire qui avait débuté<br />

avec l’apparition sur les scènes de l’écriture de la figure paternelle, son père, Albert B.,<br />

l’innommable. La disparition de sa mère rouvrait à nouveau la plaie car le besoin de se<br />

dire <strong>en</strong> écriture exprimait l’angoisse de l’être. Et ses mots d’angoisse se transformai<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> mots d’amour <strong>en</strong>vers celle qui ne cessa jamais d’att<strong>en</strong>dre le retour de son premier fils<br />

56<br />

Ibid., p. 153.<br />

57<br />

ERNAUX, A., Je ne suis pas sortie de ma nuit, op. cit., p. 104.<br />

58<br />

Ibid., p. 88.<br />

59<br />

Terme emprunté à Jeanne Hyvard (1989), La p<strong>en</strong>sée corps, Paris, Des femmes. L’écriture de Jeanne<br />

Hyvrard est une recherche constante de ce qu’elle dénomme la p<strong>en</strong>sée du fusionnel.<br />

60 Ibid., pp. 181-182.<br />

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